Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/692

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L’expérience décide le problème ; je connois de semblables empierremens faits depuis trente ans, & dont le service est aussi avantageux aujourd’hui que dans les premières années. Supposons que tous les conduits fussent bouchés. Je demande à mon tour : Les récoltes de trente années, ne dédommagent-elles pas amplement de la dépense, dans la supposition qu’il fallut ouvrir de nouveaux ces mêmes fossés ? La vérité est que l’eau qui filtre à travers un pied & demi ou deux pieds de terre, entraîne très-peu de terre, & que l’eau rassemblée entre ces pierres & ces cailloux, coule avec assez de rapidité pour expulser le peu de terre qui s’y seroit rassemblée. En un mot, le raisonnement est bon dans le cabinet, mais nul contre l’expérience. Je conviens cependant que si le fossé principal n’a pas un dégorgement suffisant, il s’altérera peu à peu, finira par devenir inutile & mettra les autres dans le même cas. Ce ne fera plus la faute des fossés, mais celle de l’agriculteur qui aura mal conçu la direction de son ouvrage en le commençant, ou qui l’aura négligé après son exécution. Toutes les fois que vous verrez un champ couvert d’eau pendant des mois entiers, une prairie chargée de joncs, de mousses &c., dites : Ce terrein appartient à un cultivateur négligent ou très-pauvre.

II. Des pentes qui exigent d’être aidées. Par des effets singuliers de la nature, ils se trouve des fondrières, des terreins dont la pente est dirigée du côté opposé de l’écoulement naturel ; enfin il y a mille positions, impossibles à décrire. Malgré cela, il est très-peu de cas, où l’on ne puisse donner un écoulement aux eaux : trancher dans le vif à force de bras, est le plus expéditif & le plus coûteux ; mais à moins que l’opération du desséchement ne soit majeure & de la plus grande importance, je ne le conseille pas. Les obstacles naissent ordinairement ou de la masse des roches, ou des amas de terre ; la mine seule agit sur les premiers ; la brouette, le tombereau suffisent pour les seconds. Quelle dépense pour peu que l’excavation à faire soit profonde ! quel remuement de pierres & de terres ! Avant de l’entreprendre refléchissez à deux fois : avec le secours du niveau, on pourra en parcourant une bien plus grande surface, procurer l’écoulement. C’est encore le cas de calculer, combien il en coûtera par toise, & d’examiner, 1°. si le prix du déblaiement de ces toises mises bout à bout, l’emporte sur la grande excavation dans l’endroit le plus rapproché ; l’estimation faite, ajoutez à la dépense un grand tiers en sus, afin de ne pas faire de faux calculs, & sur-tout pour ne pas se trouver court en finance. Le chapitre des accidens & des obstacles est immense. Si la valeur de la fondrière équivaut seulement aux frais, il vaut mieux avec cet argent, acheter près de soi des terres de bon rapport.

Les saisons des entreprises de cette espèce, sont l’automne, & le printemps, & quelquefois l’hiver, si la terre est peu imbibée d’eau. Dans le cas contraire, on ne fait pas en trois jours ce qu’on auroit fait en un. Si vous considérez le malheureux journalier comme votre semblable, comme citoyen & sur-tout comme l’individu dont dépend toute la subsistance de sa