Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/103

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Intendans ont quelquefois donné dans les pays d’Aunis & de Saintonge, des permissions particulières à cet effet. Or, si le mélange avoit été moralement possible, la facilité de son exécution, jointe à l’intérêt, l’auroit sûrement produit ; cependant l’étranger ne s’est jamais plaint de ce mélange.

En Champagne, en Bourgogne on a la liberté de brûler les marcs ; une grande partie des eaux-de-vie de vin, expédiées de France pour la Suisse, pour l’Allemagne, passent par ces provinces, & on ne peut citer aucun exemple de semblables mixtions. Toutes inculpations en ce genre, partent d’un principe faux ; aussi on voit clairement que l’ignorance ou l’intérêt l’ont dicté. La preuve du passé fortifie le présent, & le présent rassure sur l’avenir.

3°. La fabrication des eaux-de-vie occasionne une grosse consommation de bois. Si l’achat du bois excède le bénéfice de la fabrication, prohibitistes, soyez bien convaincus qu’elle n’aura pas lieu ; personne ne perd de gaieté de cœur & son argent & son travail. On brûle beaucoup de marc en Languedoc où le bois est rare & cher ; cependant le brûleur y trouve son compte. La meilleure défense pour lui est dictée par son intérêt. On commence à brûler avec du charbon de terre ; ainsi, l’inquiète prévoyance n’aura bientôt plus à faire de semblables objections.

IV. Quel avantage résulteroit-il pour l’état, si l’on rendoit libre dans tout le royaume la fabrication des eaux-de-vie prohibées. Cet article a été le moins discuté, parce que bien des gens avoient le plus grand intérêt qu’il ne le fût pas. 1°. L’arrêt de 1713 a été donné par tout le royaume sans exception ; mais comme, à cause des droits multipliés, des frais de voiture, &c. l’eau-de-vie de vin revenoit trop cher, la loi a été obligée de plier, en Lorraine, en Champagne, dans le duché & le comté de Bourgogne, dans la Brie, &c. &c. ; aussi y a-t-il peu de villages dans ces provinces, dont les vins ont un débouché assuré, où l’on ne fabrique publiquement des eaux-de-vie de marc appelées dans ce pays eaux-de-vie de genne. 2°. Nous tirons d’Espagne, ainsi que je l’ai dit, une grande quantité d’eau-de-vie, tandis que la liberté rendroit les nôtres suffisantes pour la consommation du royaume. 3°. S’il ne falloit de l’eau-de-vie que pour la boisson & pour les liqueurs, les nôtres rempliroient cette destination ; mais combien les arts ne consomment-ils pas d’esprit ardent ? Ils sont la base de tous les vernis, multipliés à l’excès ; les teinturiers, les lapidaires, les parfumeurs en font une très-grande consommation. Dira-t-on qu’il soit essentiel, pour tous ces objets, que l’eau-de-vie soit douce, agréable & d’un goût délicieux ? Ce seroit une absurdité. 4°. Quand-on considère qu’une masse de vendange qui a produit dix pièces d’eau-de-vie excellente, peut encore, par son marc, en produire une onzième, n’est-on pas étonné que la prohibition enlève aux vignerons au moins le douzième du revenu ! 5°. Le désir de gagner, & sur-tout le besoin urgent de ne rien perdre sur une récolte qui a coûté tant de peines,