Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/106

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merveilles qu’on racontoit de la taille & de la conduite des arbres, par ces jardiniers physiciens, méritoient les éloges qu’on leur donnoit. J’avoue de bonne foi, que ma surprise fut extrême, & je revins chez moi, en confessant que jusqu’alors je n’avois pas eu les premiers élémens de la taille des arbres. Je relus l’excellent ouvrage de M. l’abbé Roger de Schabol, & je fis autant de fois le voyage de Montreuil, qu’il se présentoit de nouvelles difficultés à mon esprit ; enfin, j’ai vu, étudié, réfléchi, examiné, & j’invite les amateurs en ce genre, d’imiter mon exemple, puisque c’est le seul moyen de s’instruire. Cette manière de tailler, &c. éprouve de grandes contradictions en province, parce qu’on ne fait pas assez les liaisons d’un principe à un autre ; on aime mieux laisser charpenter un arbre par un ignorant jardinier, & tous les huit ou dix ans replanter ses pêchers. Je dois ma conversion à M. Roger de Schabol ; il est donc naturel que L’écolier se taise lorsque le maître doit parler.

« Le but de l’ébourgeonnement est, 1°. de retrancher les rameaux superflus ; 2°. de maintenir entre les branches un équilibre exact ; 3°. d’assurer la fécondité de l’arbre, non-seulement pour l’année présente, mais encore pour celles qui doivent la suivre. »

« Les arbres, après avoir fait de rapides progrès, ont besoin d’être ébourgeonnés. Depuis le printemps leurs bourgeons, alongés & multipliés, forment un tissu difforme : les uns demandent qu’on leur assigne une place, en les étalant pompeusement sur la muraille ou sur le treillage ; les autres semblent s’attendre à être retranchés comme membres superflus, afin de donner à ceux-là plus de nourriture & de relief. »

« L’ébourgeonnement, j’ose le dire, est au-dessus de la taille pour l’importance ; il la dispose pour l’année suivante. On peut jusqu’à un certain point suppléer à une taille défectueuse, au lieu que rien ne peut réparer un ébourgeonnement vicieux ; de-là dépend la fécondité de l’arbre, comme sa santé & sa durée. Il est question ici de la saison de l’ébourgeonnement, & de la méthode qu’il faut suivre. »

« C’est en conséquence de l’empire absolu de l’art sur la nature, que les hommes se sont avisés de donner aux arbres en espalier cette forme & cette étendue, qui de chaque branche fait autant d’éventails, & que par le retranchement de celles de devant & de derrière, ils ont forcé la sève de se porter sur les côtés, afin de la rendre féconde en la gênant dans son cours. Le pêcher a plus besoin qu’un autre arbre d’être ébourgeonné ; il produit tous les ans une si grande quantité de bourgeons, qu’abandonnés à eux-mêmes, ils n’offriroient à la vue qu’un objet informe, & que, devenant le jouet des vents, ils seroient immanquablement brisés ; le fruit, outre qu’il profiteroit moins, acquerroit aussi moins de saveur. »

« L’exactitude de l’ébourgeonnement est moins essentielle dans les autres arbres, parce que le touffu de leurs feuilles, qui sont d’ordinaire plus larges & plus serrées que celles du pêcher, en cache la difformité ; & de plus, le préjudice qu’on peut leur faire, en les dégarnissant en