Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/127

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dépouillement a été complet. Le mûrier feroit-il donc une exception à la loi générale ? Mais, suivant le besoin, ce même mûrier est quelquefois dépouillé deux fois dans une même saison, sans que l’arbre paroisse en souffrir dans ses productions de l’année suivante. Dans les jardins d’ornemens, ne taille & n’émonde-t-on pas plusieurs fois, entre le printemps & l’automne, les palissades de charmilles, de buis, &c. & cette soustraction énorme des feuilles, faite tout à la fois, est-elle moins redoutable que la soustraction lente & progressive produite par les chenilles ? M. Guettard a vu, près de Montelimar, effeuiller entièrement, non des mûriers, mais d’autres arbres, afin de donner à manger aux bestiaux.

L’auteur convient que l’échenillage peut être bon en lui-même, mais que le bien qui en résulte, ne compense pas la perte du temps des hommes attachés à l’agriculture dans des momens où les travaux sont le plus pressans. En effet, en 1777, plusieurs particuliers aimèrent mieux couper leurs haies que de passer des semaines entières écheniller, & sur-tout pour se soustraire à l’amende.

Je conviens, avec M. Guettard, que l’échenillage des arbres des grandes routes est assez inutile, & peut-être que la chenille de l’ormeau n’attaquerait pas d’autres arbres, à moins qu’elle ne trouvât absolument plus de quoi manger ; il est bien constant que de telles chenilles ne sauroient vivre sur les blés, sur les vignes, & que le mal qu’elles procurent est plus apparent que réel.

Ces chenilles causent-elles la perte du fruit des arbres forestiers ? Je ne puis décider la question, quoique très-importante, puisque le manque de gland occasionne une très-grosse perte dans plusieurs provinces. Je puis attester les deux faits suivans. J’ai vu les hannetons, si multipliés, qu’ils dévorèrent jusqu’aux feuilles d’un noyer, & cependant la récolte des noix fut bonne. En 1780, le mouches cantharides ne laissèrent pas l’apparence de feuilles aux frênes ; leurs graines n’en souffrirent aucunement, puisque celles de ces mêmes arbres, que j’ai semées, ont parfaitement levé & végété. Je ne prétends point conclure de ces deux faits, peut-être isolés, qu’il ne faille pas écheniller les arbres de nos jardins, de nos vergers : quand même il n’en résulteroit aucun mal pour les fruits, un pareil spectacle a quelque chose de dégoûtant. J’ajoute que, malgré les deux faits cités, j’ai vu plusieurs fois les fruits se dessécher sur l’arbre, & rarement venir à bien lorsque les feuilles avoient été dévorées par les chenilles. Cette contrariété, dans les effets, dépend peut-être de l’époque à laquelle ces insectes font leurs ravages. La bonne saison de l’échenillage est en hiver ; alors tous les insectes & les œufs sont renfermés dans le nid, & en le supprimant, on coupe le mal par la racine, sans espoir de retour. L’échenillage d’hiver ne fait presque aucun tort à l’arbre, parce que les chenilles placent toujours leurs nids sur les bourgeons de l’année précédente, afin que lorsque les petits viendront à éclore, il se trouvent plus près des feuilles les plus tendres, & parsemées en plus grande abondance sur ces jeunes rameaux. Aussitôt qu’un