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chaud, on fera très-bien de leur pratiquer un petit toit, afin qu’ils soient à l’ombre & participent de la chaleur ; sous cet hangar, du sable sec couvrira la terre, les petits dindonneaux se rouleront dedans, & y joueront avec le plus grand plaisir.

Dès que les dindonneaux piaulent, c’est un signe certain que la faim les presse ; leur estomac est si chaud, que la digestion des alimens est faite dans une demi-heure ; moins ils attendront la nourriture, plus ils prospéreront. Dès qu’on s’apperçoit qu’ils ne mangent pas avec la même avidité, quelques gouttes de vin données à propos, la rétablissent ; l’on dit que les araignées produisent le même effet ; cela peut être, je n’en ai pas fait l’expérience.

VII. Des Dindons. J’appelle de ce nom l’animal qui a pris le rouge, c’est-à-dire, qui est sorti de l’enfance & peut se passer de sa mère.

Le rouge succède à l’espèce de duvet qui recouvroit auparavant la tête & une partie du col. Ce duvet tombé, les mamelons rouges paroissent ; ce qui arrive six semaines ou deux mois après leur naissance. Ce développement est aux dindonneaux, ce que la sortie de la crête est aux coqs, la dentition aux enfans, & c’est un temps vraiment critique pour eux ; ils sont tristes, languissans, mangent peu, & un peu de vin leur est nécessaire ; dans ce moment de crise, il est sur-tout important de les tenir dans un lieu sec & chaud. Le rouge caractérise les dindons ; dès qu’ils sont bien remis, on peut les chaponner tout de suite. Le dindon est toujours délicat ; il s’engraisse facilement ; cette opération cruelle n’est donc pas aussi nécessaire qu’aux poulets ; cependant il en résulte plus de délicatesse & un embonpoint excessif.

Les dindons ne craignent plus l’humidité comme dans leur enfance ; ils couchent dehors dans les belles nuits d’été, perchés sur des arbres, & surtout sur les mûriers à fruits blancs ou noirs, dont ils sont très-friands. Dans les provinces où l’éducation de ces oiseaux est très-multipliée, on confie le soin des dindons à des filles ou à des garçons qu’on appelle dindonniers. Leur fonction est de les mener paître dans les champs, dans les bois, comme des troupeaux de moutons ; de les tenir toujours rassemblés crainte des loups & des renards, de les ramener sur les dix heures du matin à la métairie, de retourner aux champs à deux heures après-midi ; enfin, de rentrer dans la basse-cour au soleil couchant. Il est essentiel qu’ils y trouvent un peu de nourriture.

VIII. De la manière de les engraisser. Chaque province a sa méthode ; en Angoumois, le fruit du hêtre qu’on nomme faine, donne bon goût à leur chair ; à Saint-Chaumont dans le Lyonnois, les dindons acquièrent une grosseur monstrueuse, la graisse est mêlée à la chair & ils sont délicieux ; ils sont renfermés dans un lieu peu spacieux, leur mangeoire est toujours pleine ; malgré cela, quatre à six fois par jour, on leur fait avaler des boulettes faites avec des pommes de terre cuites, pilées & mêlées avec du lait ; d’autres emploient sa farine de sarrasin ou blé noir ; quelques-uns celles du maïs ou blé de Turquie, & presque toujours humectée avec du lait ; enfin, les apprêts les plus recherchés sont des œufs cuits, hachés & mêlés avec