Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/174

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L’avantage de cet égrappoir est de servir en même temps de fouloire, assez imparfaite, à la vérité. Il est des cantons où l’on foule la vendange simplement sur la maye, & on rassemble la grappe dans un des coins après qu’elle est bien foulée, afin qu’elle laisse couler une partie du suc qu’elle contient, & ensuite on l’enlève pour en placer de nouvelles dans le même endroit ; quelques-uns enfin, si la maye est assez grande, laissent toute la grappe jusqu’à ce que l’opération soit finie. Communément l’extrémité de ces grandes mayes correspondantes à la cuve, est garnie d’une espèce de petit râtelier ou grillage assez serré, afin que la liqueur seule coule dans la cuve & que les grains non foulés soient retenus sur la maye. Je préférerois cet égrappoir au premier, malgré la quantité de mucilage & de vin qui reste dans la grappe, parce que par la même opération on égrappe & on foule. Je dirois encore que par ce piétinement la grappe est plus froissée, plus meurtrie, & par conséquent elle communique plus son acerbe & son âpreté au mout.

J’avois proposé, en 1770, un égrappoir que je regardois alors comme excellent, & que plusieurs personnes ont fait exécuter d’après mon modèle ; alors je n’en connoissois pas d’autres, ni de plus parfaits, & je le répudie aujourd’hui. Il étoit placé sur la partie supérieure de la cuve, en remplissoit toute la capacité, & ne s’élevoit pas au-dessus de ses bords : il formoit un encaissement d’un pied de profondeur environ, & son fond étoit garni de tringles de fer assujetties avec dès fils de fer sur des traverses, également en fer, qui passoient par-dessous, soutenoient & assembloient toutes les tringles ou traverses de six à sept lignes d’épaisseur ; la distance des unes aux autres étoit d’un pouce. Avec des râteaux à dents très-courtes, on fouloit le raisin, la grappe retenoit peu de suc, mais le grain tomboit presqu’entier dans la cuve. On verra au mot Fermentation, le vice qui résulte de la conservation de ces grains entiers ; toutes ces méthodes sont abusives & longues ; celle adoptée & suivie dans le bas-Languedoc, me paroît infiniment préférable.

Pour avoir une idée de cette opération, il est nécessaire de consulter les figures de la Planche XVII, tome 3, page 607. La Figure 13 représente ce qu’on appelle dans ce pays une comporte, nommée dans d’autres Banne, Benne, Banneau, &c. (Voyez le mot Banne) la Figure 14 représente l’égrappoir, proprement dit : c’est un morceau de bois d’un pouce environ de grosseur, long de dix-huit à vingt quatre pouces, divisé à-peu-près dans son milieu en trois parties, & qui forme une fourche triangulaire ; la femme, Fig. 15, destinée à égrapper, prend la banne, la soulève d’un côté, & la maintient dans cet état entre ses deux genoux au quart ou au tiers pleine de raisins non foulés. D’une main elle tient le manche de la fourche, & de l’autre une de ses cornes, & avec les deux autres cornes elle foule le raisin, en sépare la grappe & la jette. De cette banne elle passe à une autre, fait la même opération & les suit toutes les unes après les autres. Si la banne est trop remplie, l’ouvrière a beaucoup plus de peine, l’opération est mal faite ; si elle est remplie dans la proportion convenable, c’est un jeu pour elle. Des hommes viennent