Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

effet aura lieu si c’est la personne électrisée qui touche elle-même celle qui ne l’est pas. Dans l’un & dans l’autre cas, les deux personnes éprouvent le sentiment de douleur. Tout ce qu’une personne isolée tient à la main, ou porte sur elle, & qui est susceptible de recevoir la vertu électrique par communication, s’électrise avec elle.

Les corps ne sont susceptibles que d’une certaine quantité d’électricité ; dès qu’ils en sont, pour ainsi dire, saturés, la matière surabondante s’échappe & se dissipe d’elle-même aux angles & extrémités de ces corps, sous la forme d’aigrettes lumineuses ; ces aigrettes représentent assez bien des cônes de lumière, formés de plusieurs rayons divergens, qui tiennent par la pointe à l’extrémité du corps. Lorsque le corps est terminé en pointe très-fine, au lieu d’une aigrette, l’on n’a plus qu’un point lumineux ; mais ces aigrettes ne sont que la matière électrique surabondante ; car si vous en approchez le doigt, l’aigrette se change bientôt en étincelle.

Ces étincelles, ces aigrettes ne sont pas seulement une lumière phosphorique, qui éclaire sans brûler ; mais c’est un vrai feu capable d’embraser les corps ; on parvient, par le moyen d’une étincelle, à enflammer non-seulement de l’esprit de vin & du camphre, mais même de la poudre à canon & quelques résines ; on peut aussi rallumer le lumignon d’une chandelle qui fume encore.

4. Commotions ou expériences de la bouteille de Leyde. Nous avons vu plus haut comment le hasard procura à M. Muschembroeck la découverte de la commotion électrique : quelque terrible que ce professeur la dépeignît dans le temps, on peut répéter cette expérience de façon à ne pas même incommoder. On met de l’eau ou du menu plomb dans une bouteille de verre, environ les deux tiers ; on la bouche ensuite avec un bouchon de liège, à travers lequel passe un fil de fer recourbé ; ce fil plonge par une de ses extrémités dans l’eau ou le plomb ; l’extrémité qui est hors de la bouteille, est terminée ordinairement par un petit bouton de métal ; on approche ce bouton avec un conducteur qu’on électrise. La matière électrique passe du conducteur dans l’intérieur de la bouteille par le fil de métal ; on la sépare ensuite du conducteur, & en la tenant d’une main, on touche de l’autre le bouton. L’étincelle éclate, & on éprouve alors une commotion plus ou moins forte, suivant que la bouteille est plus ou moins chargée. Cette expérience réussit pareillement, que ce soit une seule personne ou bien deux, trois, deux cens, trois cens personnes, &c. qui la font, si elles se tiennent par la main. Que la première tienne la bouteille, & la dernière touche le bouton, l’électricité passe à travers toutes les personnes de la chaîne, & chacune éprouve en même temps la commotion. Elle se fait sentir ordinairement sur les deux bras & à la poitrine. Cette commotion peut être si violente, qu’elle tue de petits animaux.

On a donné plusieurs explications de ce phénomène ; mais la plus satisfaisante, sans contredit, est celle de M. Francklin. Il suppose, & tout paroît le démontrer, que tous les corps contiennent une quantité d’électricité