Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/301

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voient, purgeoient & salivoient, & c’étoient ceux de la bonne espèce ; les autres devenoient violets, s’amortissoient sans suppurer & noircissoient. Quelques-uns n’avoient pas le temps de mûrir, l’animal mourant dès le troisième jour de l’éruption ; & l’on ne trouvoit dans ces boutons qu’une matière blanche & solide comme de la panne de cochon ; lorsque le venin de la maladie attaquoit la tête, l’animal étoit plus en danger & périssoit plus vite ; s’il en revenoit, la maladie étoit plus longue ; les uns n’ont guéri qu’au bout de deux mois, d’autres au bout de six semaines, d’un mois, de quinze jours, &c. il en mourut aussi à toutes les époques. On avoit d’abord cru que des moutons, dans des pâturages humides, étoient plutôt attaqués que ceux qui étoient nourris dans les secs ; mais on vit depuis, les moutons des plaines aussi-tôt attaqués que ceux des vallées. Le mal fut presqu’aussi général que la petite vérole dans les années où elle est épidémique. La communication eut lieu dans plusieurs endroits, sans fréquentation des moutons malades ; dans d’autres, elle parut être l’effet de la fréquentation, ou du moins, de l’approximation de deux troupeaux, dont l’un étoit infecté ; enfin, l’éruption qui n’occupoit pas la tête, paroissoit sous les aisselles, sous les cuisses, au ventre, aux jambes, à l’anus. Dans le nombre des moutons attaqués, il y en eut qui le furent légèrement ; ce n’étoit, disoient les paysans mêmes, qu’une petite vérole volante ; quelques-uns n’eurent des boutons qu’aux jambes, d’autres aux oreilles seulement ; il s’en est trouvé qui n’avoient qu’un grain de la grandeur d’un écu de six livres ; un de ces grains unique se plaça sur l’oreille d’un mouton à une lieue de Beauvais, & maltraita tellement cette partie, qu’elle en resta de travers & retroussée. Un autre n’en eut qu’un à un pied, l’ongle tomba, & il en a été estropié pour toujours. Dans la plupart des moutons malades la tête enfloit, l’intérieur de la bouche étoit plein de boutons. On n’avoit tenté aucun remède dans la plupart des villages, dans la persuasion où étoient les habitans qu’il n’y en avoit point. Quelques particuliers assurèrent à M. Borel, que l’air étoit plus avantageux aux moutons malades, que la bergerie.

Une brebis étoit malade du jeudi, elle fut aux champs avec les autres le vendredi, le samedi matin elle fut trouvée morte dans la bergerie ; on l’apporta le même jour à M. Borel, elle avoit déjà des signes de putréfaction qui s’annonçoient à l’odorat, par une fétidité assez grande, & aux yeux, par la couleur livide & verdâtre qu’on remarquoit sur son col, sous les cuisses, sous les épaules, & par la tuméfaction du bas-ventre qui renfermoit une très-grande quantité d’air infecté. Cette brebis n’avoit pas de boutons à la tête, cette partie n’étoit pas enflée ; on n’en trouva que deux sur la langue & deux dessous ; dans ces mêmes endroits la peau se levoit comme elle se lève aux langues mises dans l’eau bouillante. En levant les paupières, on voyoit que la cornée transparente étoit du moins terne, ou si épaisse qu’on n’appercevoit plus, au travers de l’œil, sa prunelle que très-imparfaitement. L’un des yeux étoit plus terne que l’autre. Les boutons étoient en assez grand nombre sur le ventre ; & en