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& on ne laisse que la quantité de vin suffisante, ou bien on se sert d’un syphon ; lorsqu’elle est au point, on bouche exactement cette ouverture, & on la lute ; plus le vin est nouveau, plus il exige d’espace entre sa surface & le col de l’alambic, parce qu’il contient infiniment plus d’air que le vin vieux, & que ses bouillons en sont plus considérables.

Dans plusieurs provinces, on ne coiffe la chaudière avec son chapeau, que lorsque le vin commence à être bouillant : cette manipulation est défectueuse, jusqu’à ce moment, la partie qui s’évapore est très-phlegmatique, j’en conviens ; il se dégage une grande quantité d’air, mais cet air & ce phlegme entraînent avec eux beaucoup de spiritueux.

Dès que la chaudière est coiffée d’une manière ou d’une autre, il est de la plus grande importance de garnir le fourneau avec du bois le plus combustible, afin d’exciter promptement un très-grand feu, de mettre la chaudière en train, en un mot, donner au vin ce qu’on appelle le coup de feu. En le négligeant, ou en modérant trop le feu, on pourroit ne retirer presque que du phlegme, & la partie spiritueuse se recombineroit en pure perte avec ce qui resteroit dans la chaudière. Ce point de fait me porta jadis à penser avec plusieurs chimistes, que l’esprit ardent se formoit pendant la distillation. Je reconnois mon erreur, & je dis qu’il est bien démontré que l’esprit est tout formé dans le vin, & que le coup de feu sert seulement à le séparer & à le désunir du mucilage qui le masquoit, & à faire obtenir une grande quantité d’esprit ardent.

Aussitôt après avoir mis le feu sous la chaudière, & même avant, on adapte & on lute la queue du chapeau au serpentin ; la pipe est remplie d’eau, & le bassiot est placé au bas du serpentin, afin de recevoir l’eau-de-vie qui va couler. Il faut presser le feu jusqu’à ce que la vapeur qui sort du vin, & qui monte au fond du chapeau, commence à entrer dans le serpentin, & qu’elle soit prête à couler, ce que l’on connoît en appliquant la main sur la naissance du serpentin, c’est-à-dire, sur l’endroit où il s’emboîte & se réunit à la queue du chapeau. La chaleur de cette partie prouve qu’une quantité suffisante de vapeurs est déjà passée, puisqu’elle est échauffée.

Au bois sec & menu on supplée alors par de gros bois, de manière à remplir le fourneau, & qu’il y en ait assez pour retirer toute sa bonne eau-de-vie ; on laisse un vide entre les pièces de bois, afin d’attirer dans le fourneau un courant d’air capable d’entretenir l’ignition ; après cela, on ferme la porte du fourneau. Lorsque le bois est consommé & réduit en braise, on pousse la tirette, Fig. 14, & NN, Tom. I, Pl. VIII, p. 343, afin de fermer la cheminée, & de retenir sur la chaudière & dans le fourneau, toute la chaleur. Il est impossible de prescrire de quelle quantité de bois le fourneau doit être chargé ; elle dépend beaucoup de sa qualité & de son plus ou moins de siccité ; mais l’ouvrier accoutumé à ce travail, ne se trompe jamais ou très-rarement ; il augmente ou diminue l’activité du feu par le moyen de la soupape ou tirette, d’où dépend le plus ou moins grand courant d’air.

Dans les premiers instans de la