Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/347

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le père de ceux dont le diamètre de la fleur est aujourd’hui de quatre à six pouces. Les semis ont produit ces miracles ; ils ont donné, il y a environ vingt-cinq à trente ans, le petit œillet grenadin à fond rouge, panaché de rouge-brun foncé, qu’on a appelé médée ; enfin, les semis de sa graine ont produit presque tous les œillets à trois ou à quatre couleurs, que nous connoissons sous la dénomination de bizarres, ou sous telle autre, car on les multiplie à l’infini. Ce que je dis du perfectionnement de ces plantes, s’applique à toutes autres cultivées dans les jardins, & il est très-possible qu’avec des soins continuels, les fleurs les plus simples de nos champs servent un jour à l’embellissement des parterres & s’y perpétuent. Semez donc, semez comme il convient, & ne vous rebutez jamais.

Je dirois aux amateurs des arbres : Votre jouissance sera plus tardive ; elle exige plus de patience & plus de travail : persévérez, la douce espérance soutiendra votre entreprise, le succès la couronnera, & vous viendrez à bout de naturaliser dans votre patrie des arbres précieux. Un particulier du Lyonnois a semé des pépins de raisin, (je ne sais de quelle espèce ) il en a formé une vigne, & le vin qui en provient n’est pas sujet à pousser comme celui de la vigne précédente.

Le climat, la Situation sont des objets à considérer. Je ne doute point que si on eût apporté de Chine en France, par exemple, des plants de mûriers, leur multiplication auroit été peut-être impossible ; (Voyez ce mot) mais, comme on l’a semé en premier lieu dans les pays chauds de l’Europe, peu à peu il s’y est acclimaté ; enfin, on fait aujourd’hui une grande quantité de soie dans la Prusse : c’est ainsi, que cet arbre a gagné de proche en proche au moyen des semis ; c’est ainsi qu’on a naturalisé l’arbre appelé tulipier, & qu’on l’a accoutumé à passer l’hiver en pleine terre, même dans les environs de Paris. Il ne faut jamais contraindre la nature, mais la plier doucement à se prêter à nos besoins ou à nos fantaisies ; car elle ne fait point de sauts. Si vous avez à semer, par exemple, un arbre un peu aquatique, choisissez un sol un peu analogue ; lorsque la graine aura levé, transportez-la avec la terre qui l’avoisine, & sans déranger l’ordre de sa radicule, dans un autre sol un peu plus sec ; lorsqu’elle aura poussé les premières racines, répétez la même opération avec les mêmes soins, répétez-la encore l’année suivante, & peu à peu vous l’accoutumerez à végéter dans un sol naturellement plus sec. Pendant cet espace de temps, l’arbre aura pris une nouvelle manière d’être, parce que son éducation a commencé dès sa plus tendre enfance & a été soutenue. Si vous avez plusieurs sujets, semez en même temps, chaque année transplantez-en un ou plusieurs dans des endroits de plus en plus secs ; cependant il y aura un terme où ils périront, parce qu’il ne subsistera plus aucune analogie entre les deux extrêmes ; mais au moins, vous aurez gagné tous les termes moyens.

Lorsque ces arbres donneront des fleurs, des graines, partez du degré auquel chaque arbre est parvenu, semez dans le même sol, & remontez toujours comme dans l’expérience précédente. Enfin, pour conserver