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les individus, multipliez-les par les marcottes, les boutures, la greffe, &c. mais toujours dans un sol semblable à celui sur lequel ils végètent. C’est ainsi que petit à petit on réussit, par l’éducation, à naturaliser des arbres, sur un sol différent de celui qu’ils habitoient autrefois.

Ce que l’on dit du sol, s’applique également au climat, sur-tout pour les arbres. Je ne crois pas qu’il en soit ainsi relativement aux plantes vivaces, mais herbacées. Par exemple, la capucine est vivace au Pérou ; la grande espèce de tabac l’est en Amérique, &c ; mais comme le tissu de leur charpente est trop aqueux & pas assez solide, les gelées de l’Europe les font périr. Cependant, peut-être à force de soins & de semis parviendroit-on à leur faire passer l’hiver sans danger, en les acclimatant de proche en proche comme il a été dit ci-dessus.

L’arbre du nord s’acclimate plus facilement au midi, que ceux du midi transportés subitement dans le nord. Le pommier de Sibérie, par exemple, dont les Russes appellent le fruit pomme de glace, réussit à Paris. Son fruit est transparent & de couleur de cire, & je crois que c’est le même que nous nommons, dans nos provinces méridionales, pomme gelée ; il y subsiste de temps immémorial. Si le fait est vrai, comme je le crois[1], je suis convaincu que si du Las-Languedoc on transportoit ce pommier, même avec les plus grands soins en Sibérie, il y périroit, parce que la transition seroit trop subite, quoique pourtant ce soit la même espèce d’arbre. C’est aussi la raison pour laquelle les pays qui approchent du pôle, n’ont presqu’aucun des pommiers cultivés dans nos jardins. Ils auront beau faire venir de France des pieds de nos diverses espèces, ils n’y réussiront pas : les semis au contraire commenceront par acclimater les individus ; ces individus, originaires de la calville, de la reinette, &c. donneront un fruit inférieur en qualité, mais il participera & du sauvageon & de la reinette, ou de la calville ; enfin, en se procurant de bonnes greffes, elles réussiront, & l’espèce sera naturalisée. On dira, il seroit bien plus court de greffer tout de suite sur le pommier de Sibérie, cela est vrai ; mais l’analogie entre le pommier de Sibérie & la greffe seroit nulle ou presque nulle, non par la qualité de l’arbre, puisque c’est un pommier, mais par rapport à sa constitution locale. Si je cite cet exemple, c’est pour offrir un exemple des extrêmes, puisqu’il resteroit à savoir si les quinze jours ou les trois mois de chaleur dans ces pays du nord, suffiroient à la maturité du fruit de la reinette, de la calville, &c.

L’effet du changement de climat, du nord au midi, est presque toujours avantageux. Quelle énorme différence ne se trouve-t-il pas entre les plants de vigne de Bourgogne, & ceux, du Cap de Bonne-Espérance ? cependant ce sont les mêmes. Reconnoîtroit-on, dans les vignes de Pierre-Simon de Guadalcanar en Espagne, les plants des vignes qui y ont été appor-

  1. Au mot Pommier, je rendrai compte de la vérification que j’en aurai faite, avec celui cultivé à Paris.