Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/375

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dérer pur & sans mélange, & ce que nous dirons n’impliquera point contradiction. L’étain nous vient de deux endroits principaux, d’Angleterre & des Indes ; celui qui nous est apporté des Indes, porte le nom de banca & de malaca, ou simplement de Malac. Le banca arrive sous la forme de petits lingots quarrés, qu’on appelle, à cause de leur forme, chapeaux ou écritoires, & ils pèsent environ une livre ; le malac est en gros lingots oblongs, du poids de 45 à 50 l. Ces deux étains sont très-purs ; au contraire, celui qui nous vient d’Angleterre en lingots d’environ 300 liv., est toujours mélangé, & a reçu, en Angleterre même, l’alliage prescrit par la loi du prince. Enfin, l’étain du commerce ouvragé & vendu par les potires d’étain est de trois qualités différentes, & porte aussi trois noms, l’étain fin, l’étain commun, & l’étain claire-étoffe.

M. Margraff, en dissolvant dans de l’eau régale de l’étain, crut y reconnoître & y démontrer de l’arsenic. M. Bayen (ouvrage cité) a répété, avec l’exactitude la plus scrupuleuse, les expériences du chimiste de Berlin, sur les étains banca, malac, & sur un étain qu’on lui avoit fourni, comme de l’étain d’Angleterre très-pur & sans alliage ; &c il ne lui a jamais été possible d’y découvrir le moindre vestige d’arsenic. Tous les mêmes phénomènes que M. Magraff avoit observés, se ont présentés à M. Bayen, & la poudre blanche que le savant de Berlin, avoit prise pour de l’arsenic, ne s’est trouvée n’être un sel soluble dans l’eau, & résultant de la combinaison de l’eau régale avec l’étain, & point du tout arsenicale, non-seulement, il a eu fois ce résultat ; mais, il l’a répété jusqu’à huit fois sur chaque étain, & jamais il n’a trouvé le moindre indice d’arsenic. M. Bayen a été plus loin encore, l’analyse ne lui suffisant pas pour démontrer cette vérité, il a eu recours à la synthèse, & en alliant de l’arsenic à l’étain, il en a composé un nouveau métal qui avoit des propriétés différentes de l’étain pur, qui se comportoit aussi différemment avec les acides, mais qui ne pouvoit jamais soustraire la plus petite portion possible d’arsenic à l’analyse, puisque, par un procédé très-simple & très-ingénieux, il est parvenu à démontrer la présence de cette substance si dangereuse.

Il a donc conclu avec raison, que les étains de Banca, de Malaca, & d’Angleterre pur, étoient aussi purs qu’il est possible de l’être. S’ils sont purs, la question est bientôt résolue ; ils ne sont nullement dangereux, & leur usage ne peut aucunement altérer la santé du citoyen. Mais ces étains si purs ne peuvent être d’aucune utilité dans nos ménages ; leur mollesse & leur flexibilité s’y oppose ; il faut nécessairement les allier avec d’autres métaux, pour leur donner la solidités la roideur nécessaires pour pouvoir être travaillés & conserver la forme qu’on leur donne. Cet alliage se fait, pour l’étain d’Angleterre, dans les fonderies même d’Angleterre, et pour celui des Indes, dans les atteliers des potiers d’étain. Nous désignerons ces étains sous le nom général d’étain de commerce, et nous allons examiner s’ils sont dangereux, et pourquoi ils le sont.

L’étain de commerce est-il dangereux ! Nous suivrons encore M. Bayen pour cette seconde question ; éclairés