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neuf ans par un anneau mis à sa queue.

La truite est très-carnassière ; heureusement elle ne multiplie pas dans les étangs, & y fait de grands dégâts, quoique ses dents ne soient pas aussi fortes que celles des brochets.

L’anguille. Je la place également parmi les poissons voraces, puisque je lui ai vu manger des petits poissons ; une autre raison doit la faire redouter ; elle fait souvent crever les chaussées. Si elles sont en maçonnerie, & que les pierres soient mal jointes, elle s’insinue entre deux, se glisse dans les plus petites gerçures, & petit à petit cause des larrons ou petits passages à l’eau. Dans la terre mal corroyée des chaussées ou mal assise, le même accident arrive, sur-tout si dans cette terre il se trouve des racines pourries.

L’Écrevisse est singulièrement vorace ; tout le corps enfoncé dans un trou, les deux serres en avant, elle guette sa proie ; &, lorsque le petit poisson vient jouer sur le bord, elle le saisit avec une agilité surprenante : j’ai vu une écrevisse de moyenne grosseur saisir une petite couleuvre de huit à neuf pouces de longueur, & un peu plus grosse qu’un fort tuyau de plume, la tuer, la tirer dans son trou, & le lendemain je ne trouvai plus qu’une petite portion de son extrémité inférieure.

II. De l’alevin ou feuille ou fretin, dénominations sous lesquelles on connoît les jeunes carpes, tanches, brochets, &c. trop petits pour être livrés aux marchands, & dont on se sert pour repeupler les étangs. Le mot feuille devroit plus particulièrement s’appliquer au poisson de la première année, & celui d’alevin au poisson de la seconde.

Les propriétaires un peu entendus, ont plusieurs étangs de différentes grandeurs. Le plus petit est consacré pour l’alevin que l’on mêle tout ensemble, n’importe l’espèce, pourvu toutefois que les poissons voraces soient en petit nombre. Il y passe la première année, après quoi on le pêche. À cette époque on fait un choix rigoureux des espèces nuisibles, & on les transporte dans un étang uniquement destiné pour elles, & fortement peuplé de roussailles ; les poissons paisibles sont jetés dans un étang un peu plus considérable que le premier, où trouvant plus d’espace à parcourir, plus de nourriture, ils croissent à vue d’œil. On les y laisse pendant deux ans.

Cette séparation permet de connoître le poisson, de juger de celui qui a plus profité, de le choisir, enfin, de compter le nombre de mâles & de femelles.

À la troisième année, le partage se fait : sur cent carpes femelles, on met vingt-cinq mâles, & ce nombre est suffisant pour un étang de huit à dix arpens, & ainsi de suite, en gardant les mêmes proportions pour des étangs plus étendus. Cette manière d’opérer, sur-tout si les étangs sont limitrophes, ne force pas le poisson à passer d’un terroir gras dans un terroir maigre ; ce qui lui nuit beaucoup.

On peut, si l’on veut, pêcher ce dernier & grand étang l’année d’après ; le poisson y aura donné beaucoup de feuilles ; mais il vaut mieux attendre à la seconde année. Cette multiplicité d’étangs consacrés aux différens âges des poissons, est très-