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brisé la glace en différens endroits, garnissent les ouvertures avec des bottes de paille ; ces moyens font insuffisans contre les grandes gelées ; le meilleur consiste dans la profondeur de l’étang.

Section IV.

Des ennemis des Poissons.

Tout individu dans la nature est détruit par un individu plus fort, & l’homme est le plus grand, le plus souverain destructeur. La timide alouette, l’innocente colombe, &c. servent d’aliment à la nombreuse famille des oiseaux de proie à bec crochu & à serres aiguës ; le poisson est la victime de la voracité, non seulement de certains poissons, mais encore d’un grand nombre d’oiseaux & de quadrupèdes.

L’eau considérée comme eau, n’attire pas les oiseaux, c’est la nourriture qu’ils y trouvent, la seule qui leur convient & qu’ils ne sauroient rencontrer ailleurs ; ainsi, les oiseaux nommés aquatiques, tels que les cigognes, très-multipliées dans les pays froids, les hérons, les canards, les sarcelles, les poules d’eau, &c. détruisent une grande quantité de poisson. Ces animaux plongent avec une rapidité étonnante, suivent leur proie, l’attrapent, & viennent la manger sur la surface de l’eau.

La Loutre, animal amphibie, un peu plus gros que le chat, & assez approchant pour la forme, est le fléau le plus redoutable des poissons : cinq ou six loutres viendront à bout à la longue, de dépeupler un étang. Elle digère presqu’aussi tôt qu’elle a mangé, & s’il le trouve quelques pierres un peu au-dessus de l’eau elles font bientôt couvertes de ses excrémens, remplis d’arêtes & de vertèbres de poissons. On emploie, pour la détruire, les traquenards, frottés avec la graisse de héron, & garnis avec de petits poissons qui servent d’appât. Si elle trouve dans l’étang une nourriture abondante, elle dédaignera l’amorce ; il vaut mieux s’embusquer près des pierres, cacher sa retraite avec des broussailles, l’attendre à l’affut & la tuer à coups de fusil.

Le Castor, (voyez ce mot) est aussi dangereux que la loutre, mais il n’est pas si commun ; on en trouve dans le Rhône, dans le Gardon, dans l’Isere, dans l’Oise, &c. Comme cet animal connu sous le nom de bièvre se vend très-bien, les braconniers & les paysans en détruisent peu à peu l’espèce.

Je place au rang des ennemis des poissons, les masses de joncs, de plantes aquatiques, les racines des gros arbres plantés sur les bords des étangs, parce qu’ils servent de cachette aux oiseaux, aux loutres, &c. Il est donc très-important de les détruire lorsque l’étang est à sec.

Les braconniers pêcheurs, car la pêche à les siens comme la chasse, sont à redouter. Le seul moyen de prévenir leurs grandes déprédations, est de planter des piquets de distance en distance, de les enfoncer solidement, &c de les armer entre deux eaux de crochets de fer, afin de retenir leurs filets & les rompre, les briser lorsqu’ils veulent les retirer. Les pêcheurs à la ligne seroient moins à craindre, s’ils se contentoient d’une seule ligne, mais ils en jettent un grand nombre