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garnies de plusieurs hameçons, elles sont retenues près des bords, ou par des racines qui baignent dans l’eau, ou par des pierres également submergées, auxquelles la ficelle est attachée ; c’est au propriétaire vigilant à parcourir souvent les bords de son étang, à faire traîner tout autour des espèces de grapins afin de rencontrer les lignes cachées, & sur-tout de venir de grand matin pour surprendre les pêcheurs.


CHAPITRE III.

Comparaison des Avantages et des Désavantages des Étangs.



Section Première.

Des Étangs, relativement à l’Agriculture.

L’origine de la multiplication des étangs, remonte au temps où le commerce des grains gémissoit sous les entraves les plus criantes & les plus tyranniques ; on peut dire que l’on mouroit de faim à côté d’un monceau de blé, parce que le commerce en étoit défendu non-seulement hors du Royaume, mais même de province à province. J’ai vu dans des pays tout en vignobles, payer huit & dix livres la mesure de grain qui ne valoit que cent sols ou six livres dans la province voisine. Il falloit donc, malgré que l’on en eût, faire rapporter à ses terres un genre de récolte qui ne fut pas écrasé, ou presque rendu nul par le régime prohibitif ; alors on songea aux étangs. L’habitude d’en avoir plus que le produit réel les a fait perpétuer, & on n’a pas été (tant l’espèce d’homme est moutonnière !) jusqu’à examiner si ces étangs, aujourd’hui convertis en prairies, ou en terres labourables, ne rendroient pas autant ou davantage. Je mets en fait qu’il n’existe aucun étang proprement dit, qui ne soit susceptible d’être mis en culture réglée, & de produire beaucoup, à moins que le fond ne soit purement sablonneux, & dès-lors c’est un champ au-dessous de la qualité médiocre. On peut évaluer, dans le royaume, à quarante mille arpens, l’étendue du terrein converti en étangs. Tout ce qui est bonne terre, ou forte ou limoneuse, l’argile pure exceptée jusqu’à un certain point, donnera d’excellens grains ; le séjour de l’eau & des poissons y a répandu le germe de la fertilité : de dix ans, & peut-être jamais, on ne sera forcé de l’enrichir par des engrais. On ne peut voir, sans chagrin, presque la moitié de la Bresse, de la belle plaine du Forez, &c. chargée d’étangs : passe que des communautés religieuses vouées au maigre, en conservent uniquement pour l’usage de leur maison, & encore, je ne sais pas si le bien public ne devroit pas l’emporter sur le bien particulier, sur-tout lorsque celui-ci nuit visiblement à la santé des habitans.

Il est donc démontré que la multiplicité des étangs enlève à l’agriculture le terrein le plus précieux, diminue les récoltes de première nécessité, prive les bestiaux d’un pâturage fertile, enfin, diminue la population, toujours en proportion de l’étendue des bons terreins cultivés. Il est inutile d’entrer dans de plus grands détails, puisque l’on