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qu’il aura rebuté à un prix très-modique ; voilà ce qu’on appelle le savoir-faire du marchand. » C’est ainsi que M. Duhamel s’explique dans l’on grand Traité des pêches.

On ne dira pas que le prix du millier, qui vient d’être indiqué, soit au-dessous de la valeur. Certainement, dans l’intérieur du royaume il ne monte jamais aussi haut, à moins qu’on ait éprouvé de grandes sécheresses ou des froids très-rigoureux ; alors, on ne trouve plus dans les étangs la même quantité de poissons. Admettons donc ce prix dans sa généralité.

Les propriétaires savent très-bien, par expérience, que les marchands spéculateurs sur les poissons, ressemblent aux commissionnaires ; (voy. ce mot ainsi que celui Abondance) qu’ils forment entr’eux une espèce de confédération ; qu’ils courent rarement sur les marchés des uns & des autres ; enfin, qu’après avoir employé toutes les ruses possibles, ils paient le moins qu’ils peuvent, parce qu’on est obligé de passer par leurs mains ; & si on écoutoit les raisonnemens qu’ils accumulent, ils prouveroient qu’en leur donnant le poisson à la moitié du prix ordinaire, & même un quart au-dessous de cette moitié, ils seroient encore en perte, à cause de l’éloignement des lieux, de la cherté du transport, de la perte de la marchandise, &c. J’ai vu conclure des marchés en ce genre ; leurs petites menées sont en tout semblables à celles des commissionnaires.

Sur vingt milliers de carpes jetées dans un étang de cent arpens, l’expérience prouve qu’on n’en retire jamais les deux tiers, & jamais la moitié, si on a mis des brochets, ou à cause des autres accidens. Admettons une moitié franche ; le produit sera de 30000 liv. ; cette somme éblouit ; mais sur cette moitié, il faut déduire un quart pour les poissons qui n’auront pas la grandeur requise, reste donc 15000 l. ; admettons que l’autre quart soit vendu 5000 liv. La somme totale sera 10000 liv.

Je demande au propriétaire s’il lui arrive souvent de retirer cette somme d’un étang de cent arpens, même en ne comptant pas la mise première de l’alevinage ni ses intérêts ? Je mets en fait, que sur cent propriétaires on en trouvera quatre-vingt-dix-huit qui s’abonneront à douze ou dix mille livres.

Ce produit paroît considérable, parce qu’il vient tout à coup & qu’il est en masse ; dès-lors on juge les étangs très-avantageux : un moment de réflexion & de comparaison indiquera à quoi il faut s’en tenir.

Convertissons cet étang de cent arpens (voyez ce mot) en terres labourables, & calculons au plus bas : un fond d’une aussi bonne nature, & si fortement engraissé, produira pendant les trois années consécutives, nécessairement dix pour un, & presque toujours quinze pour un.

On aura semé par arpent un quintal & demi de froment, poids de marc. Le produit fera donc de quinze cens quintaux.

Le prix du quintal est, généralement parlant, dans tout le royaume, & au plus bas à six livres, presque toujours à huit, & souvent à dix ; comptons-le à six : le produit sera par arpent de 900 liv.