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faucille est donc inégal, car les dernières tiges sont plutôt brisées que coupées, & même quelquefois arrachées, pour peu que l’ouvrier ne soit pas bien expert ; dans cette circonstance, les épis éprouvent donc une secousse malgré la main qui les tient réunies & la main en même temps. On sait que les avoines, (voyez ce mot) s’égrainent facilement ; cependant, dans presque toute la Flandre françoise, la Picardie, &c. on les moissonne toutes avec la faux, & on s’en trouve bien. Si on considère la longueur du manche de la faux, & de la faux elle-même, ainsi que la posée du corps du faucheur, & la vitesse avec laquelle la faux parcourt l’espace nécessaire, on verra qu’il amène de loin son coup, & que ce coup ne frappe pas directement contre les tiges mais en glissant sur elles, & en les sciant sans secousses. La preuve en est qu’elles retombent sur elles mêmes, & ensuite sur celles qui ne sont pas encore abattues. On ne peut pas aller contre l’expérience.

Si on se sert de la faux, N°. 2, à la vérité un peu plus pesante que la première, le faucheur n’aura pas besoin d’un ramasseur qui le suive pas à pas. Lorsque le blé est coupé il s’incline sur les baguettes, & le même coup de faux le porte, le couche, l’étend & le range sur terre du côté opposé à celui qui reste sur pied. De cette manière, plusieurs & tous les faucheurs peuvent travailler ensemble ; il suffit pour cela que le premier dévance de quelques pas le second, celui-ci le troisième, & ainsi de suite, afin d’éviter que la pointe de la faux ne porte contre les jambes du voisin. Il ne faut plus que le même nombre de lieuses de gerbes comme dans les moissons à la faucille.

Cette expérience n’est pas bien difficile à répéter, & chacun est à même de se convaincre de ses avantages. Pour cet effet, il faut s’assurer de plusieurs faucheurs de bonne volonté, leur promettre une récompense honnête, & à l’insu des faucheurs à la faucille ; enfin, chercher tous les moyens de vaincre chez eux le préjugé de la terrible coutume. Si une fois vous êtes parvenu à former trois ou quatre faucheurs, donnez à prix fait le travail des moissons, les faucheurs d’un côté, les faucilleurs de l’autre ; mais observez que ces derniers laisseront les chaumes trop longs & beaucoup d’épis sur pied y afin d’accélérer leur travail.

Section III.

De la manière de connoître les bonnes Faux, & de les affiler.

Il est étonnant qu’aucun ouvrier en France ne s’occupe à la fabrication des faux, & qu’on soit obligé de les tirer d’Allemagne ou du moins en très-grande partie. Cette branche d’industrie & d’objet de première nécessité, mériteroit d’être prise en considération par le gouvernement & par les sociétés qui s’occupent de l’encouragement des arts utiles. Nous sommes obligés de les acheter des merciers, telles qu’on les envoie, & sur une douzaine, il est rare d’en trouver une bonne. Les défectuosités proviennent & de la qualité de l’acier, du fer, & de la manière dont elles ont été trempées ; en sorte qu’une partie de la faux est très-dure & l’autre très-molle ; parce que le fer a été mal mélangé avec