Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/455

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On ne peut proposer aucune méthode pour faucher les blés foudrés ; on entend sous ce nom des blés versés par couches, & qui se recouvrent les uns les autres en sens différens ; on doit les prendre indifféremment dans tous les sens qui se présentent ; mais toujours dans leur courbure, & comme si le faucheur avoit le vent derrière lui ; au moyen de quoi, on ne perd pas plus de chaume qu’on en perd dans les blés versés.

Les avantages de cette méthode, sont de rendre moins pénible aux ouvriers un travail qui se fait dans une saison très-fatigante par l’excès des chaleurs. Lorsque les blés sont les plus faciles à scier, un bon moissonneur à la faucille parvient à peine à abattre un demi-arpent par jour, au-lieu qu’un faucheur expédie proportionnellement au degré de sa dextérité, un arpent & même un arpent & demi ; (voyez ce mot) mais peu d’ouvriers parviennent à faucher un arpent & demi sans bousiller. Il est vrai qu’il n’a pas la peine de former la javelle, parce que le ramasseur qui le suit, fait cette besogne ; mais aussi ce faucheur est obligé d’affiler sa faux très-fréquemment, & plus souvent, lorsque les blés ne sont pas épais. Enfin, il est obligé de revenir du bout du champ, lorsque sa fauchée est finie, à l’autre bout de ce même champ, pour reprendre une nouvelle fauchée dans le même sens qu’il a commencé la précédente. Tout cela prend un temps qui peut compenser celui que le moissonneur à la faucille emploie à déposer sa poignée pour former la javelle ; & je ne pense pas que l’on puisse contester, par cette comparaison des deux tâches, que l’ouvrage ne soit de trois cinquièmes moins pénible : à cette preuve se joindra celle qui résulte de la posture, du moissonneur comparée à celle du faucheur.

Un second inconvénient, dont cette méthode garantit l’ouvrier, est celui des plaies que causent aux mains des moissonneurs, les chardons, les épines & plusieurs herbes dont la rencontre est dangereuse.

Il résulte encore de cette opération, 1°. que l’on se procure plus de paille ; 2°. que l’herbe, dans les champs fauchés, se reproduit & donne un excellent pâturage après la moisson ; 3°. que la pâture, dans les champs ainsi moissonnés, est plus facile à saisir par les vaches & par les troupeaux ; car on éprouve tous les ans que les vaches tarissent de lait pendant les premières semaines qu’elles pâturent les chaumes de froment, parce que le chaume entre dans les naseaux, les pique, & les force de parcourir tout le champ, afin de chercher quelques places où elles puissent prendre l’herbe sans rencontrer cette incommodité. »

On pourra objecter contre les observations de M. Duhamel, que la faux égraine les blés, les seigles, les avoines : cette objection n’est point fondée, l’expérience prouve le contraire. Le faucheur à la faucille est obligé de saisir avec la main gauche une certaine quantité d’épis, la main devient le centre de l’espace circulaire formé par la base des tiges qu’il tient ; il tend le bras droit armé de la faucille, & forme un cercle avec la faucille en la ramenant vers lui ; de manière que les tiges les plus éloignées, sont coupées plus près de terre que les autres. Le coup de la