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s’il n’y restoit point d’air, & c’est d’après ce principe qu’on les remplit le plus exactement que l’on peut, afin que l’air contenu dans le vin ne trouve pas assez d’espace pour se débander, & c’est encore la raison qui invite à les mutter. (Voyez ce mot)

Malgré toutes les précautions prises, soit en remplissant, soit en bouchant le tonneau, il y entre ou il y reste toujours de l’air ; & d’ailleurs ce fluide élastique pénètre, s’insinue dans tous les corps, passe à travers les pores des douves, & vient occuper l’espace vide que forme peu à peu l’évaporation du vin dans le vaisseau le mieux bouché.

C’est cet air fluide & élastique qui facilite la sortie de l’air contenu dans le raisin, connu sous le nom de gas ou air fixe, & qui se combine avec lui. Ainsi, d’une manière ou d’une autre, on ne peut pas dire que quoique les vaisseaux soient bouchés, il n’y ait point d’air. Le liège lui-même ne soustrait que jusqu’à un certain point à l’action de cet air, le vin contenu dans les bouteilles. Il s’y fait une évaporation, petite à la vérité, du fluide qu’elles renferment, & il est impossible qu’il y ait une évaporation sans le concours de l’air.

On m’objectera l’exemple du vin forcé, (voyez ce mot) qui fermente sans le concours apparent de l’air. Je réponds, 1°. qu’un tel vin ou plutôt un tel moût reste souvent plus d’une année avant qu’il ait éprouvé la fermentation complète qui doit le changer en vin ; 2°. que le vaisseau ne doit être rempli qu’aux deux tiers, & l’autre tiers l’est par l’air atmosphérique ; 3°. qu’il n’est vraiment vin lorsque cet air atmosphérique a été absorbé par le fluide à mesure qu’il a fermenté, & que cet air a été remplacé dans le vaisseau par l’air fixe qui s’est dégagé du moût lors de la fermentation.

Je veux supposer, avec quelques auteurs, que le concours de l’air atmosphérique n’est pas essentiellement nécessaire à la conversion du moût en vin ; mais leur plus forte objection contre ce principe prouve au moins qu’il est de la plus grande utilité. Nous examinerons ailleurs l’avantage résultant pour la conservation du vin, de l’air fixe qui occupe l’espace vide entre le vin & la futaille ; cette digression écarteroit l’objet présent.


Section III.

De la chaleur.


Les viandes, les fruits, les liqueurs, &c. pénétrés par le froid, & gelés, sont inaltérables tant qu’ils restent dans cet état, parce qu’ils n’éprouvent point de fermentation chacun dans leur genre, & parce que l’air, ce lien d’adhésion de leurs parties, est rendu inactif par les entraves qu’il ne peut surmonter. Si la chaleur succède au froid, cet air reprend toute sa vigueur, se débande avec une facilité extrême, les fermentations s’accélèrent, & la putréfaction les suit de près.

La chaleur dilate l’air pendant la fermentation tumultueuse, l’air ouvre les pores du fluide, du grain de raisin, comme on le voit dans l’eau qui bout ; l’échappement de cet air occasionne le mouvement dans le fluide ; le mouvement, de son