Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/485

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substances lors de leur dissolution & de leur combinaison & de leur recombinaison, sont les causes réelles, quoique la première y concoure plus sensiblement.

La fluidité permet les dissolutions ; les dissolutions, l’exercice des loix de la pénétration d’une substance dans une autre ; la pénétration, l’augmentation de chaleur ; l’augmentation de chaleur, la dilatation des corps ; enfin, cette dilatation, la chaleur, &c. & l’expulsion d’une partie de l’air fixe qu’ils contiennent. L’autre partie de cet air se recombine de nouveau dans la masse fermentante ; à mesure que les combinaisons des principes s’exécutent, cet air dégagé des cellules qui l’emprisonnaient, s’échappe sous forme de globules, parce qu’il est obligé de traverser un fluide, ce qui le rend, pour ainsi dire, visible, car autrement il se mêleroit avec l’air atmosphérique, & échapperoit à la vue. Si le fluide étoit pur, par exemple, comme l’eau d’une fontaine, les globules éclateroient à sa surface ; mais dans la cuve, le fluide est mucilagineux, & semblable au savon dissous dans l’eau, il retient l’air & lui conserve sa forme de globule, jusqu’à ce que sa dilatation le fasse éclater ; cet air rassemblé en globules plus légers que le fluide, imprime le mouvement à tout ce qu’il rencontre sur sa route ; & comme la masse totale est parsemée, criblée & remplie de ces globules ascendans, elle reçoit un mouvement total dans ses parties, d’où il résulte entr’elles une plus grande, une plus prompte, une plus entière pénétration, pendant que les décompositions, les combinaisons nouvelles, & les recombinaisons s’exécutent & absorbent l’autre partie de l’air fixe.

Ces phénomènes sont connus de tous les chimistes ; mais il faut parler aux cultivateurs & les instruire par des exemples. Prenez de l’esprit de vin, tenu depuis quelques jours dans le même lieu que l’eau destinée à l’expérience ; ces fluides séparés auront tous deux le même degré de chaleur du lieu, à très-peu de chose près ; remplissez de cette eau la moitié d’un grand verre, plongez la boule de votre thermomètre dans cette eau, afin de vous assurer de son degré de température ; retirez le thermomètre, & ajoutez aussi-tôt un quart, un tiers, ou moitié de son volume de l’esprit ardent, & vous verrez monter la liqueur dans le tube du thermomètre. Cette pénétration des deux fluides à donc produit une chaleur qui n’existoit pas auparavant dans cette eau. Il en est en quelque forte ainsi dans la cuve, à mesure que l’air fixe se dissipe ; parce que le mouvement & la pénétration augmentent en raison de leur progression. Si on veut un exemple plus en grand des effets d’une pénétration rapide, prenez un grand verre à pied, jetez dedans trois gros d’huile de térébenthine nouvelle ; dans un autre verre emmanché à une longue baguette, mettez un gros de bon esprit de nitre, & autant d’huile de vitriol bien concentrée ; videz dans le premier verre, à plusieurs reprises & à peu d’intervalle l’une de l’autre, le mélange contenu dans le second verre ; il s’établira aussi-tôt une violente pénétration, un dégagement considérable d’air ; les liqueurs bouillonneront, il sortira, par tourbillons, une fumée noire &c épaisse, de