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laquelle la flamme s’élèvera souvent jusqu’à la hauteur d’un pied & demi.

Ces exemples de la pénétration simple, & de la pénétration extrême, démontrent qu’à mesure que l’esprit ardent se forme dans le moût, il pénètre & s’unit à l’eau de ce moût ; que de cette union résulte la chaleur, le mouvement, le dégagement de l’air. Aussi, plus la fermentation approche de son terme, plus la chaleur de la masse est considérable, ainsi que le mouvement tumultueux & le sifflement de l’air, bruyant. Lorsque cette fermentation est arrivée à son maximum, c’est-à dire, à son plus haut point, l’intensité de la chaleur diminue, &c. & si on laisse subsister la masse de vendange sans l’enlever de la cuve, elle ne conservera par la suite que la simple chaleur atmosphérique du lieu qui la renferme ; il n’y aura plus, ni mouvement, ni sifflement, &c.

Le sifflement qui annonce le plus ou moindre degré de la fermentation, est uniquement dû à l’air fixe qui s’échappe, & dont les globules se brisent à la surface de la cuve ; car il ne faut pas croire que le vin dans la cuve, bouille aussi tumultueusement que l’eau dans un vaisseau placé sur un grand feu, puisque je n’ai jamais vu la chaleur de la fermentation vineuse monter à plus de vingt-sept à vingt-huit degrés, tandis que celle de l’eau bouillante est au moins de quatre-vingt degrés ; il n’y a donc aucune comparaison à faire, relativement à la chaleur de l’une & de l’autre ; cependant, en supposant une cuve d’un volume égal à celui de la cuve qui contient la vendange, & la supposant pleine d’eau bouillante, cette dernière ne fera pas entendre un bruit, un sifflement comparable à celui de la première, parce que l’air qui s’échappe de l’eau simple n’est pas invisqué par un mucilage, & parce qu’il s’en dégage sans effort, & se combine tout de suite avec l’air atmosphérique ; au lieu que, sur la surface de la cuve & contre les douves, on voit un amas de grosses bulles, qui s’y accumulent & se dissipent très difficilement. L’air est emprisonné par le gluten du mucilage : à mesure que la fermentation gagne en force, ces bulles grossissent davantage, parce que le mucilage est rendu plus fluide, & par conséquent, il offre moins de résistance à l’air, dès que le globule est ballonné jusqu’à un certain point.

On ne peut présenter le tableau des idées, que par une marche progressive ; c’est pour cela que j’ai été obligé de considérer comme des êtres à part, la chaleur, le mouvement, le dégagement de l’air, &c. & de les faire agir comme des principes isolés ; mais on doit bien sentir que leur action réciproque tient à celle de tous les trois ensemble, & que chacun prêtant du secours à l’autre, le résultat de leur opération est une opération commune à tous ; enfin, une simultanéité d’action.


CHAPITRE II.

Des conditions essentielles pour établir une bonne Fermentation tumultueuse.


La bonne fermentation dépend d’une multitude de combinaisons heureuses, & la principale est la maturité entière du raisin, qui développe le muqueux doux ; les autres