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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/489

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res ne concourent à ce phénomène. Dans le nord, deux raisons s’y opposent ; le peu d’intensité de chaleur & la fréquence des pluies ; de manière que le raisin y pourrit plutôt que de venir à ce point si désiré.

Je ne prétends pas dire pour cela, qu’il soit indispensable d’attendre ce changement de couleur pour cueillir le raisin ; la récolte entière seroit presque toujours pourrie ou perdue dans le nord du royaume : je dis seulement que ce point indique la plus parfaite maturité, & que plus la grappe en approche, meilleur est le vin, parce que le principe sucré est uni à une quantité suffisante d’eau & non au-delà.

Il ne faut pas conclure encore de ces assertions, que les vins à cette époque seront trop liquoreux, & qu’ils conserveront toujours cette liqueur comme les vins d’Espagne, les vins muscats, les blanquettes, les malvoisies, &c. ; je parle des vins rouges, de ceux qu’on fait fermenter dans la cuve ; ils ne ressembleront jamais aux premiers, & s’ils sont plus longtemps à perdre leur liqueur que les vins des années ordinaires, ils seront meilleurs, plus riches en esprits, & leur durée sera en raison de la quantité du principe sucré, étendu dans un véhicule aqueux convenable. Le principe sucré & l’eau ne sont pas les deux seuls principes du vin ; il en existe d’autres, dont il n’est pas encore temps de parler.

La vraie conclusion à tirer de ce qui vient d’être dit, est qu’on ne doit vendanger, si les circonstances le permettent, que lorsque la pleine maturité sera indiquée par le changement de couleur de la grappe. Cette loi est générale & le raisin ne sera pas trop mûr quoique bien des gens se le persuadent, en disant que, passé un certain point de maturité, il perd de sa qualité.

Avant de leur répondre, il convient de citer quelques exemples, ils démontrent mieux que les raisonnemens les plus suivis. Mange-t-on des raisins plus parfumés, plus exquis que ceux oubliés dans les vignes lors de la cueillette, & que l’on trouve après que les feuilles sont tombées ? Examinez les chasselas déjà cités & enveloppés de leur sac de papier. Dans les terreins terreux, dans les provinces où il pleut souvent, on ne trouvera à cette époque que des raisins pourris : il y a un terme à tout, j’en conviens ; mais ce terme, reculé ou rapproché suivant les circonstances, ne détruit pas la généralité du principe que j’établis.

Si la chaleur se soutient, si depuis le commencement de la maturité, la saison n’est pas entrecoupée de pluies &c de jours sereins, le raisin gagne à rester sur le cep. Si, au contraire, la terre du vignoble est substantielle, humide, si ce vignoble est dans un bas-fond, ou même dans une plaine, si les journées sont froides, le raisin, passé un certain point de maturité, (sans être complète) diminue de qualité & très-souvent pourrit avant d’avoir atteint ce période.

Si on ne s’en rapporte pas à ce que j’avance, quoique j’aie scrupuleusement suivi la marche de la maturités du raisin pendant une longue suite d’années, je prie le lecteur de s’occuper des mêmes observations, & de remarquer que si les vents du sud règnent à l’époque de la maturité, quoique très-chauds, le raisin mûrit moins bien, qu’il est plus sujet à pourrir