Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/493

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parce qu’il vend son vin plus cher sur les lieux, que ceux de la seconde classe de Bourgogne ou de Champagne, & du montant de la vente il en fera venir du meilleur pour son usage & qui lui coûtera moins. Ailleurs, ce propriétaire, en faisant planter ses vignes, choisira le cépage reconnu pour fournir le meilleur vin, le placera dans une exposition la plus abritée & la plus pierreuse, & la seconde qualité de ses vignes sera plantée en ceps dont le raisin mûrit tout à la fois. Si dans ce canton, le prix du vin destiné à la vente, dépend de sa qualité, c’est essentiellement le cas de recourir à l’art, lorsque la nature s’oppose à la pleine maturité. Plus on approche du midi, plus la séparation des espèces devient nécessaire, attendu leur multiplicité & la distance entre leur pleine maturité. Sans cette précaution, il est impossible d’obtenir une bonne fermentation.

Il est bien rare de voir, dans les terres fortes & substantielles, cette maturité pleine sans être dévancée par la pourriture, sur-tout lorsque l’été & l’automne n’ont pas été secs ; ce sol retient trop l’eau, le cep est trop nourri, & le raisin trop aqueux : elle est beaucoup plus fréquente dans les terreins pierreux, sablonneux, caillouteux, &. Si on compare les effets de la fermentation dans la vendange produite par ces terreins opposés en qualité, on y trouvera des différences frappantes.

§. II. Du choix destiné à la cueillette. Lorsque les circonstances locales forcent à vendanger, la pluie, par exemple, la pourriture, ou la récolte d’une très-grande quantité de vignes, enfin le ban de vendange, (voyez le mot Ban) il n’y a plus de choix du jour, & il faut obéir à la loi impérieuse du moment. Il n’en est pas ainsi pour celui qui veut faire du bon vin, ou qu’il destine à garder pour sa consommation, ou à vendre un bon prix. La qualité du vin, plus que sa quantité, fait la richesse de tous les pays des vignobles renommés du royaume ; dans ce cas, il est de la plus grande importance de porter jusqu’au scrupule le choix du jour & de l’heure à laquelle doit commencer la cueillette. Le Tableau ci-contre prouve la diversité frappante dans les résultats de la fermentation.

Ce tableau prouve 1°. que la chaleur de la cuve A, est montée seulement à dix-neuf degrés, & celle de la cuve B, à vingt-quatre ; 2°. que cette dernière a resté deux jours de moins à compléter sa fermentation, & j’ose assurer que le vin de la cuve B, est de beaucoup supérieur à celui de la première, quoique produit par des raisins de vignes de dix à douze ans, & d’un cépage, en général, plus commun que l’autre, & planté dans un sol moins abrité & plus fertile.

Il avoit plu le dix octobre ; il plut même un peu dans la matinée du onze, & la vendange fut cueillie encore imbibée de l’eau de la pluie. Vers les trois heures de l’après midi, le ciel se découvrit & le beau temps revint, suivi d’un courant d’air assez fort. Si on me demande pourquoi, d’après mes principes, je ne différai pas l’époque de la cueillette, je répondrai, que dans les provinces voisines de la mer, lorsque la pluie survient vers l’équinoxe, elle est toujours copieuse & de longue durée, & par conséquent les raisins, près de