Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/494

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leur maturité complète, pourrissent au point que l’on perd une grande partie de la récolte, & que le vin n’a point de qualité ; 2°. que dans ces provinces les vignobles y sont si multipliés que le vin bon ou mauvais est vendu au même prix, à peu de chose près ; 3°. que si on est forcé de le céder aux bouilleurs d’eau-de-vie, le prix est encore plus bas, n’importe la qualité. Tant que la guerre de mer dure, il est assez inutile de songer à faire du vin de qualité.

On pourroit conclure qu’on seroit à l’abri, dans les provinces méridionales, des tristes suites des équinoxes, si on y cultivoit des plants plus précoces ; mais on y vise plus à la quantité qu’à la qualité. Revenons à notre objet.

L’exemple déjà cité de la vendange de 1769, pendant ou aussi-tôt après la gelée, prouve que la bonne fermentation dépend en grande partie du jour de la cueillette, puisque le moût resta, à cette époque, près d’un mois dans la cuve, avant de manifester les premiers signes de la fermentation. Tout le monde se souvient de leur mesquine qualité, & combien ils aigrirent ou pourrirent dans les mois de juillet & d’août suivans. Il faut aussi ajouter que les vignobles bien situés, & dont les raisins approchoient de la maturité complète à l’époque des gelées, furent de beaucoup supérieurs à ce qu’ils auroient été sans elle. Le froid arrêta le mouvement de la sève, le suspendit, & sur-tout oblitéra les canaux séveux, de manière qu’après que les deux jours de frimats furent passés, & que la chaleur & le beau temps jurent repris leur cours ordinaire,

une nouvelle sève ne put s’insinuer dans le raisin, & la chaleur du soleil fit évaporer l’eau superflue qu’il contenoit, & concentra davantage le principe sucré dans une moindre quantité de fluide. Huit, dix ou douze jours de retard pour la cueillette, produisirent cette heureuse révolution ; le vin fut excellent, & on doit bien penser que sa fermentation fut rapide.

Il faut, autant que faire se peut, attendre que le vent du nord ait régné depuis quelque temps, & choisir un jour clair & serein. Dans la saison des vendanges, les nuits sont communément fraîches & les rosées très-fortes. Le premier point essentiel est de n’entrer dans la vigne que lorsque la rosée est entièrement dissipée, & le raisin échauffé par les rayons du soleil : (je parle des raisins qui doivent fermenter en masse). On a vu que la fermentation commençoit seulement à être sensible dans la cuve au degré dix de chaleur. Or, si le raisin cueilli dans la matinée n’a pas ce degré, la fermentation sera languissante, traînante, & il s’échappera une plus grande quantité d’air fixe & de phlogistique ; enfin, elle s’accomplira foiblement. Dès que le soleil commence à être élevé sur l’horizon, ses rayons moins obliques acquièrent de la chaleur, dissipent la rosée & la fraîcheur de la nuit & du raisin ; mais ce n’est guère qu’à neuf ou dix heures du matin que le raisin commence à avoir la chaleur requise. Si on le cueille avant cette heure, on doit le laisser dans des bannes, comportes, (voyez ces mots) ou autres vaisseaux peu profonds, exposé à la grosse ardeur du soleil pendant toute la journée, &