Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/502

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réunis formant une Croute légère surnageroient bientôt la liqueur, & s’aigriroient en se desséchant par le contact de l’air, & communiqueroient ensuite au vin la mauvaise qualité qu’ils ont contractée, comme le levain aigrit toute la masse. C’est ainsi que l’auteur s’explique.

il faudroit savoir ce que l’auteur entend par ces mots une croûte légère ; j’ai toujours vu le chapeau d’une épaisseur presque d’un pied, & plus dur que le reste de la masse, même dans le pays où l’auteur est censé écrire. Il y a bien loin de cette épaisseur à une croûte légère.

J’ai dit que ce couvercle double, qui paroît séduisant dans le cabinet, étoit d’une exécution impossible dans la pratique ; c’est ce qu’il faut démontrer.

1°. De l’impossibilité du couvercle supérieur. Tout homme qui a suivi secours de physique dans un collège, a vu sûrement répéter des expériences sur la force de la dilatation de l’air, & en particulier, celle-ci. On prend un tube d’étain ou de fer blanc, à une des extrémités duquel sont soudés d’autres petits tubes, au nombre de quatre à six, d’égal diamètre, & seulement de quelques pouces de longueur : on attache & on lie fortement à ces petits tubes, le col d’une vessie molle & vide d’air ; cet appareil est placé sur une table pour plus de commodité, & on met par-dessus une planche que l’on charge avec des poids ; l’enfant souffle avec force dans le grand tube, bouché à son autre extrémité, l’air passe dans les tubes latéraux, pénètre dans les vessies, les ballonne, & la planche & les poids sont soulevés suivant la force & la vigueur de l’insufflation, qui quelquefois exhausse plus d’un quintal.

M. Bertholon écrit dans un pays où la coutume la plus adoptée n’est pas d’égrainer le raisin, & même où on le jette pêle-mêle dans la cuve avec la grappe, & on se contente de la fouler lorsqu’elle est pleine. Tout le monde sait, & des yeux suffisent pour se convaincre que le marc d’une cuvée non égrainée, monte beaucoup plus haut pendant la fermentation, que celui d’une cuvée égrainée.

Ici, tout est parfaitement analogue à l’expérience citée. Chaque grain de raisin tenant à sa grappe, renferme de l’air ; cet air est dilaté par la chaleur, la peau du grain se distend & augmente en général, du quart de son volume. Chaque grain fait l’office de levier ; de proche en proche & petit à petit toute la masse est soulevée, comme la planche & les poids le sont à l’aide des vessies. Or, si un jeune homme est capable, avec son souffle, de surmonter la résistance offerte par un poids de cinquante ou de cent livres, quelle doit être la force d’une masse de six à sept pieds de hauteur, sur cinq à six de largeur, qui fait jouer tout à la fois des milliards de petites vessies, dont la force de dilatation augmente en raison de la chaleur manifestée pendant la fermentation ?

Si le raisin est égrainé, la répulsion contre le couvercle sera moins forte, j’en conviens, mais elle sera encore prodigieuse. Il n’est pas possible que tous les grains soient réduits en pulpe, & que leurs pellicules soient complètement déchirées, divisées & détruites. Le piétinement sur la fouloire, aplatit cette peau, expulse une