Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/51

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le caractère de fièvre consomptive ; quand les foiblesses paroissent & se suivent, quand les douleurs deviennent plus vives, le malade périt souvent dans une foiblesse : lorsque la gangrène attaque les intestins, les malades ne résistent pas long-temps à cet ennemi destructeur : la présence de la gangrène se fait connoître par les signes suivans : les yeux du malade se couvrent de nuages, ils languissent, s’obscurcissent & s’éteignent entièrement par degrés, l’haleine devient d’une fétidité cadavéreuse, le pouls se perd sous le doigt qui le cherche, les douleurs disparoissent entièrement, & le malade tombe enfin dans un accablement qui le plonge au tombeau.

Nous venons de détailler les signes qui annoncent l’état fâcheux du malade dans la dyssenterie, nous allons maintenant nous occuper des signes favorables, avant de parler des moyens qu’il faut employer pour guérir cette maladie.

C’est un signe de favorable augure, lorsque les symptômes diminuent, mais d’une manière lente ; quand les urines redeviennent couleur de citron, & coulent en plus grande abondance ; quand le ventre redevient souple. Cette maladie est aussi bizarre dans sa durée, qu’elle est singulière dans sa nature : telle dure neuf & quinze jours, telle dure huit & dix semaines : celles qui présentent les apparences les plus flatteuses deviennent quelquefois tout à coup dangereuses.

Pour guérir les dyssenteries il faut avoir égard aux causes, aux caractères & aux circonstances différentes qui les accompagnent. Il s’en faut de beaucoup que toutes les dyssenteries se guésistent de la même manière ; les autres coliques & maladies du bas-ventre se guérissent avec les mêmes remèdes, dont on augmente ou diminue les doses : dans les dyssenteries, il faut quelquefois employer les remèdes les plus opposés entr’eux.

Il faut faire sortir par le vomissement les matières âcres fixées dans les intestins & dans leurs vaisseaux, afin de donner de l’action aux intestins ; on se sert de l’ipécacuanha : le peuple oppose la plus forte résistance à l’emploi de ce remède ; son imagination bornée ne peut pas concevoir comment on peut parvenir à guérir une douleur fixée dans le ventre, en faisant vomir, & son obstination le rend, sur cet article comme sur bien d’autres, victime de l’ignorance. L’ipécacuanha ne réussit pas quelquefois, quand les dyssenteries sont épidémiques ; alors il faut employer un émétique plus fort, le tartre stibié : on est quelquefois obligé de réitérer plus d’une fois l’usage de l’ipécacuanha ou du tartre stibié : si le sujet attaqué de dyssenterie est foible, on se contente de lui donner vingt grains d’ipécacuanha, on laisse un jour ou deux d’intervalle, & on réitère ce remède ; si le sujet est fort, on lui donne dans le même jour deux ou trois doses d’ipécacuanha : si les dyssenteries sont épidémiques, il faut employer en premier l’ipécacuanha, ensuite le tartre stibié, jusqu’à ce qu’on ait rencontré l’émétique qui convient ; il ne faut pas se laisser séduire par le calme qui suit l’effet de l’émétique, il faut en réitérer l’usage ; sans cette précaution, le mal renaît avec plus de férocité.