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Section première.

Des signes accessoires qui concourent à indiquer le temps auquel il faut tirer le vin de la cuve.


Je prie très-fort d’observer que je ne donne pas ces signes comme certains, comme démonstratifs, mais comme des moyens qui aident & mettent sur la voie de distinguer le moment préfixe de décuver.

I. Nous avons déjà parlé de la couleur, mais il faut revenir à cet objet, & le considérer sous un autre point de vue. Aux différentes époques de la fermentation, tirez par le fausset de la cuve, du vin ; ayez un grand verre à pied, couvrez-le d’un filtre de papier gris ; videz le vin sur le filtre, & pour l’examiner, attendez qu’il soit passé une certaine quantité, un demi-verre, par exemple.

La liqueur filtrée sera claire, parce que le mucilage aura resté sur le nitre. Je ne dis pas qu’elle sera limpide, car cela n’est pas. Tout autour du verre & sur la surface du fluide, vous verrez des bulles pressées les unes contre les autres, & très-petites. La couleur sera gris de lin sur la surface, & paroîtra plus ou moins foncée dans le milieu & à sa base, relativement à l’année, à la maturité & aux espèces dominantes de raisin ; cette couleur indique que le vin est éloigné d’être fait. Si on répète plusieurs fois cette expérience aux différentes époques de la fermentation, on verra que la couleur deviendra de plus en plus transparente, plus foncée, plus décidée dans toutes ses parties, & que les bulles d’air seront moins long-temps à se dissiper ; enfin, lorsque la fermentation sera à son terme, la nouvelle liqueur filtrée aura la couleur vineuse bien prononcée ; la partie supérieure le sera autant que celle du fond, ce qui n’existoit pas auparavant, & il ne paroîtra plus de bulles d’air.

D’après ce qui a été dit, il est aisé de connoître la cause de ces différentes manières d’être. Jusqu’à ce que la fermentation soit sensible, les substances colorantes sont plutôt étendues dans le fluide que dissoutes ; mais à mesure qu’elle s’établit, l’eau dissout les extraits gommeux, mucilagineux, savonneux ; & l’esprit ardent qui se forme, les extraits raisineux qui fournissent la partie colorante. (Voyez le mot Raisin) Lorsque la fermentation est à son terme, les combinaisons sont faites. L’air fixe, jusques-là disséminé dans le fluide, ne concourroit pas encore à maintenir les combinaisons dans leur équilibre ; & comme son interposition entre les molécules étoit lâche, il s’échappoit & n’étoit retenu que par la portion mucilagineuse passée avec le fluide à travers le filtre. Mais, du moment que les combinaisons sont achevées, l’air devient plus intimement uni avec les substances combinées ; il fait plus corps avec elles & n’a plus une tendance aussi forte à s’échapper ; en outre, malgré les plus grandes précautions, il s’en est perdu beaucoup pendant la fermentation, il ne peut donc plus agir comme dans les commencemens de la fermentation.

Dans la fermentation non achevée, on voit encore autour du verre outre les bulles d’air, un cercle formé par une espèce de mucor particulier,