Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/524

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tinguera la saveur vineuse de la saveur sucrée, avec autant de facilité qu’il pourroit distinguer la couleur rouge, de la couleur verte…… La marque déterminée & infaillible qui désigne d’une manière invariable, le moment où la fermentation dans la cuve est parvenue au degré précis auquel la plus grande perfection du vin est attachée, le moment auquel le vin n’est pas assez fait, & après lequel il devient rude, grossier, & sent le marc, est le moment même où après plusieurs dégustations successives, dans lesquelles nous avons senti l’affoiblissement de la saveur sucrée, nous nous appercevons de la dispersion de cette saveur sucrée ; cette saveur, après s’être affoiblie par nuances, disparoît subitement ; alors son absence est un signal précis, fixe & assuré auquel on doit tirer le vin de la cuve : c’est un ordre irrévocable que la nature prescrit à l’art, & qui marque le moment fatal auquel est attachée la perfection de cette liqueur, qui doit faire les délices ou le tourment des palais délicats, dépérir en peu de temps, ou se conserver nombre d’années. »

» On perce la cuve à sa circonférence, & par le moyen d’un trou de fausset ou d’un robinet, on tire du vin dans un verre pour en faire la dégustation. Ce robinet doit être placé au milieu de la hauteur de la cuve, si elle est pleine, ou pour mieux m’exprimer, à moitié de la hauteur de la vendange, avant la fermentation ; de manière que dans une cuve qui a huit pieds de hauteur depuis le fond jusqu’à ses bords supérieurs, si on a mis six pieds de vendange, on perce la cuve à trois pieds de fonds, & à l’aide d’un fausset, on tire le vin pour le goûter. »

» La première dégustation doit se faire lorsque l’effervescence se rend sensible : dès qu’on commence à s’apercevoir d’une diminution marquée de la saveur sucrée, & d’une augmentation dans la saveur vineuse, qui sont inséparables ; alors il ne faut pas s’éloigner pour long-temps de la cuve ; il faut goûter fréquemment, & avoir tous les vaisseaux prêts à recevoir la liqueur ; & si le signal vient à paroître dans la nuit, ne point remettre au jour l’opération du tirage & du transvasement ; cette nuit assure une récompense qui doit faire oublier le besoin de repos. »

» Ce signe commun, on le voit, est à la portée de tous les cultivateurs ; il est encore identique & invariable pour un moût d’excellente qualité, comme de la plus médiocre ; pour faire un vin précieux, comme pour ceux que l’on destine à la boisson du peuple ; pour une grande cuvée, comme pour une petite ; pour une grande masse, pour une cuvée de cinquante pièces, comme pour un quartaut ; pour un moût pur, pour la première goutte du raisin, comme pour la vendange, & même pour une petite quantité de moût mêlé à une grande quantité de marc…… Quelques phénomènes que la fermentation ait produits, qu’elle ait été vive, forte, tumultueuse, prompte, foible, lente, &c. ; que le corps muqueux ait éprouvé le plus grand degré de chaleur, dont il est naturellement susceptible ; que son mouvement ait été de la plus grande promptitude, de la plus grande rapidité, ou que cette chaleur & ce mouvement aient été presque insensibles, je n’en suis point inquiet. Si quelquefois j’ai visité ma cuve, & considéré la fer-