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mouvement continuel de combinaison & de décomposition, qui, lorsque tout l’esprit ardent est formé, en combine plus intimement une portion avec les autres principes, & change ainsi le vin en un acide plus pesant, moins volatil que l’eau & que l’esprit de vin, en une substance nommée vinaigre ou acide acéteux.

Le vin qui a contenu beaucoup de muqueux fade, acide ou austère, subit plus promptement la fermentation acide qu’un vin bien nourri par le spiritueux & par la partie sucrée. Le premier passe à l’aigre sans tumulte, & insensiblement comme feroient les muqueux eux-mêmes, isolés d’autres substances, tenus seulement à l’air & dans la température propre à la fermentation. On doit les appeler plutôt acides que vinaigre ; ils n’en ont ni l’odeur pénétrante ni l’acidité ; ce n’est que long-temps après que le peu d’esprit-de-vin qu’ils contiennent, contracte une agrégation de mixtion avec la liqueur acide : enfin, les plus mauvais vins, sous ce point de vue, fournissent encore de l’eau-de-vie, lorsque des vins beaucoup meilleurs & qui ont subi les fermentations tumulteuse & acéteuse, n’en donnent point.

La chaleur un peu forte est essentielle pour faire du vinaigre en grande masse ; mais la simple chaleur atmosphérique suffit pour opérer cette métamorphose sur les petits vins, & souvent même dans des cuves médiocres.

Pour que la fermentation acéteuse s’opère, il n’est pas essentiel que la liqueur soit en contact direct avec l’air atmosphérique, puisque le vin aigrit dans le tonneau, même bien bouché, ainsi que dans une bouteille suspendue aux ailes d’un moulin à vent, mue pendant un certain espace de temps : dans ce second cas, il y a apparence que la métamorphose est due, au moins en partie, au mouvement continué, & peut-être à l’intromission de l’air qui a pénétré à travers le bouchon.

J’imprimai en 1766, que l’absorption de l’air atmosphérique, par la liqueur renfermée dans un tonneau, étoit au moins une des causes principales de la conversion du vin en vinaigre, ou de la fermentation acéteuse. Plus j’examine ce changement, & plus je me confirme dans cette idée, qui paroît au premier coup-d’œil un peu singulière, puisqu’il s’agit d’un vin même dans un tonneau bien bouché.

En parcourant différentes caves & celliers, j’étois singulièrement affecté de voir que certains tonneaux étoient beaucoup plus secs que les autres ; que le sable qui recouvroit leur bondon étoit sec, pulsèrent ; que le bois du tonneau n’étoit en aucune manière imprégné de l’espèce d’humidité dont tous les bois se chargent a l’extérieur dans les caves ; enfin, que ces tonneaux étoient aussi secs ou presque aussi secs que ceux tenus dans un lieu aéré & non souterrain. J’en voyois d’autres recouverts par l’humidité de la cave, le sable autour du bondon, humide ; d’autres enfin, dont il couloit imperceptiblement par la jointure des douves, une liqueur colorée, vineuse, qui s’évaporait, laissoit après elle un mucilage épais & vineux ; le sable placé au tour du bondon étoit également pénétré de cette liqueur, coloré & formoit une espèce de pâte. Ces trois manières d’être des tonneaux, à l’extérieur, furent l’objet de mes obser-