Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/608

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Il en est de la fibre végétale, comme de la fibre animale ; sa connoissance répand le plus grand jour sur l’économie végétale. Il est donc très-intéressant d’avoir sur cet objet des notions claires & distinctes. Tous les mouvemens de la plante, la circulation des fluides, le développement de ses parties, en un mot, sa vie entière dépend du jeu & du mécanisme des fibres ; l’accroissement total est le résultat de leur développement partiel, & la mort de la plante est produite par leur décomposition, ou du moins par leur altération.

Prenez un morceau d’écorce, dont vous aurez enlevé l’épiderme, le réseau cortical ; faites-le macérer dans l’eau, pour détruire le parenchyme, il ne vous restera plus qu’une lame de fibres entrelacées les unes dans les autres, & qui s’anastomoseront dans toutes sortes de sens. Détachez, avec un peu d’adresse, un de ces filets ; considérez-le attentivement ; si vos yeux ne suffisent pas, aidez-vous d’une loupe, d’un microscope, & bientôt vous serez étonné que ce filet, que vous croyiez simple & unique, n’est qu’un faisceau de filamens qui peuvent encore se séparer les uns des autres. Poussez plus loin l’expérience, &, s’il est possible, détachez un seul de ces filamens ; faites-le tremper long-temps dans l’eau ; reportez-le ensuite au foyer de votre microscope ; une lentille plus forte que celle dont vous vous serez déjà servi, vous offrira encore ce filet composé au moins de quatre ou cinq autres plus fins. Il ne faut pas cependant s’imaginer que cette division pourroit se porter à l’infini ; non ; on arriveroit à la fin à la fibre unique ; mais quel est l’instrument assez parfait pour nous offrir un si petit objet ? On peut répéter la même expérience sur la fibre ligneuse, sur les fibres des pétales, des fruits, &c. &c., & l’on aura toujours les mêmes résultats, par-tout la même division, par-tout une fibre composée de fibres simples.

Mais de quoi la fibre simple est-elle composée ? C’est ici où notre esprit se perd ; des raisonnemens sans bornes, des mots, des hypothèses ; voilà, jusqu’à présent, ce que l’on a donné pour expliquer l’origine de la fibre simple pour l’économie animale, & l’on ne seroit pas plus heureux, sans doute, & peut-être moins encore, pour l’économie végétale. La nature se réserve quelquefois son secret, & quoi que nous la tourmentions sans cesse pour, le lui arracher, loin de nos sens, & au-dessus de notre esprit, elle cache toujours, sous le voile le plus épais, ses premières opérations. Si quelque chose peut nous consoler de ce mystère, c’est que rarement elle nous tait ce qui nous intéresse essentiellement, & que souvent elle semble ne se renfermer dans une nuit profonde, que pour piquer notre curiosité, animer notre désir de tout savoir, & nous forcer de l’étudier.

La fibre simple peut être supposée formée de tous les élémens qui concourent à la composition des corps ; elle ne nous occupera pas, parce que nous n’aurions que des conjectures à donner, & que ce sont des faits qui doivent sans cesse nous occuper.

Toute fibre, c’est-à-dire, celle que nous pouvons obtenir par une division quelconque, qui ne nous offre qu’un faisceau de fibres simples, dont