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d’un air extrêmement chaud à un air extrêmement froid.

Curation. Parmi les bergers, les uns donnent tous les jours aux brebis atteintes de cette espèce de fièvre, des infusions faites avec parties égales de feuilles d’absinthe & de rue ; les autres coupent le bout de chaque oreille, ramassent le sang qui découle de la plaie, pour le mêler avec du sel & du cumin, & pour le donner à l’animal. On doit bien comprendre que le premier remède est trop échauffant pour être indiqué, sur-tout dans la fièvre qui reconnoît pour cause une excessive chaleur, & que le second est trop absurde pour ne pas le rejeter. N’est-il pas préférable, au contraire, de saigner la brebis à la veine de la mâchoire, de lui donner de l’eau blanche nitrée pour boisson, & de la purger avec du petit lait seulement ?

Section IV.

De la Fièvre maligne.

Le bœuf est plus exposé à cette espèce de fièvre que le cheval & le mouton.

Signes. Elle se manifeste par un affoiblissement subit des forces musculaires ; elles sont si affoiblies que l’animal qui en est atteint est obligé de se tenir couché. Les yeux sont tristes & larmoyans, le pouls presque dans son état naturel ; le poil est terne & hérissé, il s’arrache facilement ; l’animal plie sous lui, lorsqu’on lui passe la main sur les reins ; il refuse toute espèce d’alimens, la rumination est suspendue, les urines sont troubles, souvent claires & peu abondantes ; la peau est sèche, l’épine du dos douloureuse, la chaleur des tégumens naturelle, & très-rarement accompagnée de sueur ; la respiration grande & laborieuse, quelquefois petite, fréquente & avec soupir, la bouche sèche, la langue blanche, souvent tirant sur le noir, les matières fécales, tantôt fluides, tantôt desséchées, sans avoir rien de fétide.

Rien de plus commun aujourd’hui que de voir confondre cette maladie avec d’autres espèces de maladies aiguës. Nous entendons dire journellement à certains maréchaux, lorsqu’un cheval est attaqué d’une maladie grave, qu’il ne connoît pas qu’il est affecté de fièvre maligne. C’est bien-là le vrai moyen d’entretenir son crédit, en cas que l’animal vienne à périr. Il est vrai que presque toutes les fièvres sont souvent accompagnées des affections de la tête, qui rendent la maladie grave ; mais ces attestions ne sont que passagères & symptômatiques, tandis qu’elles sont essentielles à la fièvre maligne, & l’accompagnent dans tous ses temps, cette espèce de fièvre ayant sans contredit son principal siège dans les nerfs & le cerveau.

Causes. Les causes de la fièvre maligne sont tous les alimens corrompus, une constitution particulière de l’air, les grandes chaleurs de l’été, les eaux bourbeuses & fétides qui servent de boisson, & les travaux excessifs & outrés, sur-tout pendant les grandes chaleurs.

Il est des signes avant-coureurs dans cette maladie, qui décèlent que l’animal va périr. Tels sont, par exemple, la noirceur & la sécheresse de la langue, les excrémens secs & de couleur noire, les mouvemens convulsifs des extrémités, l’agitation