Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/653

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

version de la sève, le grenadier a acquis sa hauteur ordinaire.

§. IV. De la Greffe.

Je n’entrerai point dans les détails relatifs à l’opération de la greffe, (voyez ce mot) ce seroit une répétition inutile. Il suffit de savoir que le figuier se greffe très-bien en bec de flûte ou sifflet, & en écusson ou œil dormant. À la moindre incision cet arbre laisse couler un suc laiteux & abondant. Si on n’a pas l’intention de le laisser se répandre pendant quelque temps, &, pour ainsi dire, s’étancher, il est à craindre qu’il ne noie l’œil, ne s’accumule sous les morceaux de l’écorce découpée lorsqu’on a greffé en flûte, ne s’y putréfie & ne fasse périr la greffe. Il est donc nécessaire d’enlever ce suc laiteux avec du vieux linge, du coton, de la filasse, &c. ; en un mot, de dessécher la place avant d’y placer la greffe. Cette opération s’exécute dans les mois de juin ou juillet ; la sève décide le moment.


CHAPITRE IV.

De la Caprification.


Le figuier est un arbre singulier, il pousse ses fleurs ou fruits avant ses feuilles. Par-tout où l’année d’auparavant on a vu exister une feuille, on voit de l’endroit même paroître une fleur ou figue, sans que la sève soit montée des racines aux branches, ce dont on peut se convaincre en cherchant à soulever l’écorce qui se détache difficilement du bois. C’est donc par la seule force de la sève restée avant l’hiver dans le tronc & dans les branches, que s’opère la végétation du fruit. Elle est mise en mouvement par la chaleur ambiante de l’atmosphère. Voyez les belles expériences de M. Duhamel, rapportées au mot Amandier, pag. 457, Tom. 1, & cette chaleur n’a pas encore eu le temps & n’a pas été assez forte pour faire monter la sève des racines aux branches ; puisque dans les provinces méridionales, les premières figues paroissent communément en mars, & les feuilles en avril. C’est ainsi que naissent les premières figues, ou figues-fleurs, ou plutôt ou plus tard : suivant les climats, les seconds naissent au pied du pétiole de la feuille poussée au printemps, de manière que la première a été nourrie par la feuille de l’année précédente, & la seconde par celle du printemps, & la feuille qui pousse au second renouvellement de la sève, devient la mère nourrice d’un œil à fruit pour l’année suivante.

Lorsqu’il s’agit de se procurer des récoltes abondantes & sûres, il faut recourir à l’art quand la nature s’y oppose par la variation & l’inconstance des saisons, ou par l’épuisement de la plante. On a eu raison de dire que le besoin fut le père de l’industrie, & les habitans des îles de l’Archipel, dont les figues sont la principale nourriture, nous en donnent un exemple frappant.

La caprification étoit connue des anciens ; Pline en parle dans son Liv. 16, chap. 27. M. Tournefort est, je pense, le premier auteur qui en ait parlé en France, dans son Ouvrage intitulé Relation d’un voyage du Levant, & après lui M. Godheu de Riville, dans un Mémoire publié par l’Académie des Sciences de Paris, dans un Volume des Savans Étran-