Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/656

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& le figuier y est soumis à une culture réglée. La cueillette est longue, parce que le fruit mûrit successivement, & on doit attendre qu’il commence à se dessécher sur l’arbre. Le jour de la cueillette n’est pas indifférent. On doit, autant qu’on le peut, attendre que le vent du nord ait régné depuis quelques jours, que le ciel soit pur & serein, que la chaleur soit forte & soutenue, & que la rosée soit entièrement dissipée. On les étend sur des planches, sur des claies ; on les comprime un peu, & on les expose au gros soleil contre un bon abri, afin de multiplier la chaleur. Du moment que le soleil se couche, on les porte dans un lieu sec, exposé à un libre courant d’air ; le lendemain on recommence la même opération, & ainsi de suite, jusqu’à ce que la plus grande partie de l’eau de végétation soit dissipée ; de la promptitude de cette exsiccation dépend la bonne qualité de la figue. Comme dans une figuerie on cueille plusieurs espèces, & que toutes n’ont pas la même perfection, on fera très-bien de ne pas les confondre pendant l’exsiccation, soit pour conserver la qualité de la marchandise, soit parce que des espèces se sèchent plus facilement que les autres ; & par conséquent, si on les mêloit, il faudroit beaucoup plus de tablettes ou de claies. Tant que dure cette opération, on tourne & retourne plusieurs fois par jour les figues, afin qu’elles éprouvent dans tous leurs points le même degré de chaleur, & par conséquent l’évaporation de leur humidité surabondante. Souvent le ciel se couvre de nuages, des pluies surviennent, l’humidité règne pendant plusieurs jours, & la figue, loin de sécher, pourrit ; il faut avoir recours à la chaleur modérée d’un four, mais elle ne produit jamais le même effet que le soleil, & la qualité du fruit diminue d’un grand tiers au moins, & quelquefois ces figues ne sont bonnes qu’à donner aux cochons.

Lorsqu’elles sont sèches, quelques particuliers les mettent par rang dans des sacs, par-dessus un rang de farine, & ainsi de suite jusqu’à ce que le sac soit plein ; alors on le secoue, on l’agite en tout sens, afin que le fruit roulant sur l’autre, mêlé avec la farine, cette farine s’empare de l’humidité superflue ; & s’il est besoin, on répète l’opération à plusieurs reprises & à temps différens. D’autres se contentent de les étendre sur des draps, de les laisser pendant plusieurs jours dans les greniers ouverts, au courant d’air, & dont on ferme les fenêtres dès que l’atmosphère est humide. Enfin, lorsqu’elles sont bien desséchées, on les place perpendiculairement sur une table ; & appuyant le pouce sur la queue, on les comprime, afin qu’elles occupent moins d’espace. Dans cet état, on en remplit des sacs, & encore mieux de grands coffres destinés à cet usage. La dernière méthode est à préférer ; car pour peu que l’humidité gagne la farine, elle aigrit & fait aigrir & fermenter la figue.


CHAPITRE VI.

Des propriétés des Figues.


La figue bien mûre, est un fruit délicieux pour les personnes en santé, comme pour les malades, & l’on n’a jamais vu dans les provinces méridionales aucun paysan qui en fût incommodé, quoi qu’elle forme une