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renoncé absolument aux fleurs & même aux odeurs.

Quelle est donc cette émanation si dangereuse ? Ce n’est pas l’odeur proprement dite, c’est une portion d’air fixe & méphitique (voyez ce mot) que la fleur exhale dès le moment qu’elle s’épanouit. MM. Priestley, Marigues & Ingen-Housz, s’en sont assurés par plusieurs expériences. Il n’est personne qui ne puisse s’en assurer par soi-même ; prenez une assiette dans laquelle vous verserez de l’eau ; placez au milieu un petit support dans lequel on puisse planter une fleur ; mettez-y une rose ou une autre fleur, recouvrez le tout d’une cloche de verre qui plonge dans l’eau ; afin que l’air renfermé ne communique pas avec celui de l’atmosphère. Au bout de quelques heures, l’air de la cloche sera tellement vicié qu’une bougie alumée s’y éteindra, & qu’un animal qui le respireroit en périroit ; caractères qui annoncent la présence de l’air fixe ou méphitique. Avec quel soin ne doit-on pas éviter de renfermer des fleurs très-odoriférantes dans une chambre à coucher, surtout si elle est petite & bien fermée ? Puissent les exemples cités plus haut, n’être pas inutiles, & apprendre qu’une jouissance d’un moment peut avoir des suites très-funestes !

L’air fixe n’est pas le seul que les fleurs exhalent ; quelques espèces, comme la fraxinelle & la capucine, donnent encore de l’air inflammable. Si dans le soir d’un beau jour d’été où il a fait chaud, vous approchez une lumière de l’atmosphère de la fraxinelle, elle s’enflamme bientôt, & imite les flammes légères qui paroissent dans les endroits où les substances végétales & animales entrent en putréfaction & se décomposent. La capucine n’a pas besoin de lumière pour s’enflammer ; la chaleur de l’atmosphère suffit seule. Ce fut Mlle Linné, la fille du fameux botaniste, qui remarqua la première, que la fleur de la capucine jetoit au commencement de la nuit des éclairs qui paroissoient & disparoissoient tout d’un coup.

Il paroît que ces deux espèces d’air sont produites par l’acte de la végétation ; ou séparées de l’air atmosphérique à peu près comme l’air déphlogistiqué ou vital que donnent les feuilles au soleil. Toutes les fleurs fournissent l’air fixe ; mais n’y a-t-il que la fraxinelle & la capucine qui fournissent de l’air inflammable ? Il est à croire qu’elles ne sont pas les seules, & que le hasard & l’observation en feront découvrir d’autres. La nature ne paroît pas faire des exceptions si générales, toutes ses opérations se rapprochent & se ressemblent.

Section VI.

Parti que l’on peut tirer de la Fleur après sa mort.

Le destin de tout ce qui a vie, est de périr & de ne laisser aucune trace après lui : s’il est abandonné à lui-même, une décomposition plus ou moins lente, mais toujours active, vient à bout d’en séparer toutes les parties, de détruire les liens & les rapports qu’elles avoient les unes avec les autres ; il revient bientôt à ses premiers élémens, & un peu de terre est tout ce qui reste de solide de ce qui quelque temps auparavant, réunissoit toutes les perfections & les avantages que la nature a attaché à la vie. La fleur est