condamnée au même sort ; un instant la voit se flétrir, tomber & se détruire ; un instant voit disparoître ses vives couleurs, & bientôt la fermentation qui s’établit dans son parenchyme altère sa substance ; plus d’éclat, plus de beauté, plus de parfum. Cependant il est possible d’arracher, pour ainsi dire, la fleur de l’empire de la mort, de lui conserver jusqu’à un certain point, & sa forme élégante & ses belles nuances ; pour l’odeur, il faut y renoncer en général ; l’esprit recteur est si fugace, qu’il est presqu’impossible de le retenir & de le fixer.
L’utilité & l’agrément ont engagé à chercher les moyens de conserver les fleurs, & à leur perpétuer une vie dont elles jouissent si peu. Au mot Herbier, nous donnerons les moyens de les dessécher & de les conserver, pour les classer & en former une espèce de jardin portatif qui puisse offrir en tous temps toutes les plantes avec leurs caractères principaux. Il est possible encore de les conserver avec leur forme & la parfaite symétrie de toutes leurs parties, au point qu’elles paroissent presqu’aussi fraîches que si l’on venoit de les cueillir ; & dans cet état on peut, durant les plus grandes rigueurs de l’hiver, en orner des appartemens, & entretenir, pour ainsi dire, un printemps perpétuel. Réunir l’agrément à l’utilité doit être l’objet de quiconque écrit, & d’après cette vérité, nous allons donner le moyen le plus simple & le plus sûr de conserver les fleurs.
Choisissez du sable assez fin, par exemple, celui connu à Paris sous le nom de sable d’Étampes ; passez-le à un crible assez large pour n’en séparer que les parties grossières, & ensuite à travers un tamis de soie plus serré pour l’avoir bien égal & bien fin ; jettez-le après cela dans l’eau, & lavez-le jusqu’à ce que l’eau qui aura passé dessus en sorte bien nette ; cette opération faite, on enlèvera toutes les parties terreuses & argileuses qu’il pourroit contenir ; on fait ensuite sécher le sable au soleil. Choisissez les plus belles fleurs que vous voudrez conserver ; mettez-les dans des boîtes de carton ou de fer blanc, assez évasées pour qu’on puisse ranger les fleurs avec la main, & assez hautes pour pouvoir surpasser les fleurs de quelques pouces ; remplissez-les de sable jusqu’à la hauteur de la fleur ; puis avec un poudrier faites entrer le sable dans l’intérieur de la fleur & tout autour des pétales, de façon qu’ils ne soient point dérangés de leur position naturelle, que la surface concave soit bien remplie de sable, & la convexe en soit couverte sans y laisser aucun vide. Mettez une couche de sable de cinq à six lignes au-dessus de la fleur ; enfin, couvrez le tout d’un papier percé de petits trous, & exposez ces boîtes à l’ardeur du soleil dans l’été, ou dans une étuve ou un four dont on aura retiré le pain. Au bout de trois ou quatre jours de soleil, retirez les fleurs, & vous les trouverez bien desséchées, & conservant encore presque tout l’éclat de leurs couleurs naturelles. Pour bien réussir, il faut observer trois choses principales, bien choisir & bien préparer le sable, entretenir un degré de chaleur égal & soutenu le plus que l’on peut, & arranger les fleurs dans les boîtes dans la forme la plus naturelle. M. M.