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le propriétaire d’une prairie n’a pas le droit de la faucher quand il lui plaît : le malheureux doit attendre la Saint-Jean d’été, que la saison soit sèche ou pluvieuse, parce qu’en fauchant plutôt on détruiroit des nids de perdrix, &c. ! C’est au dix-huitième siècle qu’on voit encore subsister ce reste odieux des temps de la féodalité !

Il existe un autre abus aussi criant ; c’est celui du libre parcours sur les prairies, des que le premier foin est coupé, de sorte que le propriétaire ne retire de son fonds que la moitié de son produit, puisqu’il ne récolte ni le premier, ni le second regain qu’il devoit naturellement en espérer. Cette liberté du parcours avoit également lieu pour les prairies artificielles ; il a été heureusement supprimé sous le dernier règne. Je n’examinerai pas si cette immense quantité de prairies, devenues des communaux par le droit de parcours, favorise la multiplication des bestiaux ; je dirai seulement qu’elle ruine les prairies, & n’augmente pas la masse des bestiaux. (Voyez l’article Commune, Communaux, où cet objet a été traité.)

CHAPITRE II.

De la coupe des Foins, & de leur Dessiccation.

On donne la coupe des foins ou à prix fait, ou à journées. Dans le premier cas, le travail est toujours mal fait ; dans le second, il l’est bien, mais coûte fort cher : enfin, dans tous les deux, on ne doit pas perdre de vue un seul instant ses ouvriers, si l’on ne veut pas être trompé. Les prisataires, pour aller plus vite, alongent trop les bras, &, d’un seul coup, portent la faux beaucoup plus loin que le coup ordinaire : dès-lors toute l’herbe la plus éloignée du point du centre de l’espèce de demi-cercle qu’elle décrit, est coupée trop haute ; & outre la perte actuelle, il résulte une seconde perte dans le regain. Chaque coup de faux est marqué sur le pré, & il est aisé de juger celui dont l’herbe a été coupée à prix fait. C’est donc au propriétaire, ou à son homme de confiance, à veiller à ce que la faux soit menée bien horizontalement sur le tapis, & que l’ouvrier se contente d’embrasser ce qu’il peut couper sans gêne. Quant à la célérité du travail, c’est l’affaire de l’ouvrier, & dont on doit peu se mettre en peine. Il n’en est pas ainsi du journalier : si on ne le suit pas, il perdra un quart de la journée à ne rien faire, & l’autre quart à repasser sa faux, (voyez ce mot) sur l’enclume, ou à l’aiguiser avec la pierre. On doit mettre dans les conditions qu’on fera avec lui, que le matin il arrivera sur la prairie avec sa faux bien tranchante, & que si, dans la journée, il est nécessaire de la piquer sur l’enclume, ce sera pendant les heures qu’il appelle de repos.

Lorsque l’herbe est tombée sous la faux de l’ouvrier, elle se trouve rangée d’elle-même sur le sol & disposée en ondains, mot assez significatif, puisque ces rangées d’herbes ressemblent, vues presque horizontalement, aux ondes de la mer ou d’une grande rivière agitée par les vents. Si on a commencé à faucher, suivant la coutume, dès la pointe du jour, l’herbe chargée de rosée, se desséchera beaucoup plus lentement que celle fauchée à six ou sept