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très-étendues ; elles varient selon le degré de froid & de chaleur.

I°. De l’eau froide, & son action comme médicament. Personne n’ignore qu’on doit boire l’eau au même degré de froid & de chaud que la nature la donne ; en général, il vaut mieux boire l’eau froide que chaude ; froide, elle satisfait plus les vues de la nature, & pourvoit mieux au besoin que l’on cherche à remplir. Elle appaise la soif, & ranime davantage ; elle flatte l’estomac ainsi que le palais.

L’eau froide est sans contredit le tonique le plus naturel & le plus approprié à toute espèce de relâchement. Mal à propos des auteurs se sont recriés contre son usage ; ils ont prétendu que ceux qui ne buvoient que de l’eau, étoient foibles, d’un tempérament délicat. Il y a tout lieu de croire qu’ils ont fait ces observations dans des pays froids, humides & marécageux : elles sont bien opposées à celles faites journellement dans les pays chauds. Les montagnes, comme celles des Cevennes, de la haute Auvergne, dépourvues de vin, parce que la chaleur & le degré de température, ne sont point propres à favoriser la végétation de la vigne, en fournissent les preuves les plus frappantes. Le paysan de ces pays ne boit que de l’eau, souvent ne mange que de mauvais pain, & rarement est-il malade. On n’y a presque jamais observé de maladie épidémique. La salubrité de l’air, il est vrai, peut y influer ; les hommes y sont gros & gras ; ils portent sur leurs figures les roses de la santé la plus décidée. À quoi attribuera-ton cette force qui leur est si naturelle ? cet état de santé chez eux si fort & si durable ? Soyons de bonne foi, & convenons que s’ils jouissent de ce trésor, & d’un bien si précieux, ils le doivent en grande partie à la pureté des eaux, & à la salubrité de l’air qu’ils respirent.

Dans le bas-Languedoc, où les vins de toute espèce sont abondans, & à un très-vil prix, les femmes en général n’en boivent point. C’est même une loi parmi elles ; les mères de famille se font un point d’honneur de n’en point donner à leurs filles, & même de leur en faire perdre l’habitude, quand elles ont atteint l’âge de raison, si elles en buvoient dans un âge plus tendre : comme remède, elles ne leur permettent seulement que de rougir l’eau avec le vin ; mais en revanche les hommes en boivent beaucoup, & il n’est pas de journalier à qui il ne faille par jour deux à trois pintes, mesure de Paris ; ils sont assurément moins forts & moins vigoureux que les habitans des montagnes voisines, & sont sujets à des maladies qui les enlèvent à la fleur de leur âge. Ils contracteroient moins de fluxions de poitrine, s’ils savoient ou vouloient bien tremper leur vin.

J’ai observé que dans le bas-Languedoc, les femmes qui s’habituoient à boire du vin, sans cependant commettre des excès dans ce genre, avoient de la barbe tout comme les hommes, & qu’elles étoient forcées de se la faire une fois la semaine ; je crois que la crainte en retient beaucoup ; c’est même ce qui engage la plupart des mères à le défendre à leurs filles.

L’eau froide prise immédiatement après le repas, est préférable à tout ce qui peut aider la digestion. Elle n’a pas les inconvéniens de certains