Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/84

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point de vue, celle de rivière mérite la préférence sur les autres, comme la plus saine de toutes, parce que le soleil l’a échauffée, & qu’elle est presque toujours empreinte d’un peu de sel qui la rend apéritive dans certains pays tempérés. Souvent elle est trouble, il est vrai ; mais on l’éclaircit en la laissant reposer ou filtrer dans des vases bien propres, & destinés à cet usage. Elle facilite la coction de certains légumes, les attendrit plus promptement que toute autre espèce d’eau ; les blanchisseuses ont fort bien observé qu’elle dissolvoit mieux le savon, & nettoyoit mieux le linge que ne fait l’eau de puits ou de certaines fontaines. C’est aussi par la même raison qu’elle mérite la préférence en médecine sur les autres pour remplir différentes indications ; tout paroît concourir à lui donner la préférence. Pour l’ordinaire elle coule sur un beau-sable, sur des gros cailloux ; sa rapidité contribue beaucoup à sa pureté, elle l’épure par les différens chocs qu’elle lui fait éprouver.

II. Ses qualités & sa manière d’agir comme médicament. On devroit la guérison de beaucoup de maladies au seul usage de l’eau, si les malades & les médecins eux-mêmes étoient plus patiens ; les seconds pour attendre les mouvemens critiques de la nature, & les premiers pour supporter leurs maux. Le fameux Dumoulin, médecin de Paris, s’exprima ainsi au dernier moment de sa vie ; je ne connois que deux grands médecins, la Diète & l’Eau.

L’eau, en délayant les matières épaisses, glaireuses & d’une consistance très-visqueuse, les rend plus aptes à l’évacuation ; & je ne comprends pas pourquoi dans le principe des maladies, on se hâte d’accabler les malades de remèdes : ne retireroit-on pas de plus grands avantages en les inondant, pour ainsi dire, d’eau légèrement dégourdie, afin d’examiner si la nature ne voudroit pas agir d’elle-même ? Quelquefois, & le plus souvent, quand la matière n’est pas trop abondante, elle agit plus efficacement, aidée par le seul secours de l’eau, que par les remèdes les plus énergiques.

On peut dire que c’est un remède excellent, supérieur à tous les autres par ses vertus, & qui seul suffit à la guérison de la maladie la plus opiniâtre, pour laquelle on emploieroit en vain tous les autres secours de l’art. L’eau est le véhicule naturel de la plupart des médicamens, & c’est elle qui distribue les uns & les autres dans les diverses parties du corps.

Les médecins qui répètent si souvent qu’il faut employer des remèdes très-actifs pour vaincre les maux considérables, ne doivent pas ignorer que, pendant les épidémies, il suffit de boire une grande quantité d’eau, afin d’empêcher l’apparition des maladies les plus graves.

C’est par sa propriété de dissoudre certaines substances, qu’elle est l’instrument chimique de l’analyse menstruelle, dont l’application est très étendue. C’est aussi à ce titre qu’elle sert à préparer des bouillons, des gelées, des sirops, des boissons agréables, comme orgeat, limonade, &c. & qu’elle fournit plusieurs remèdes sous une forme commode.

III. Les qualités de l’eau varient selon le degré de froid & de chaleur. Les qualités de l’eau en général sont