récoltes. La raison en est simple : dans ces pays septentrionaux, le soleil pendant l’été est sur l’horizon presque pendant les vingt-quatre heures de la journée, & la clarté est si complète, qu’à minuit même on peut lire sans autre lumière que celle du soleil. Or, cette chaleur, soutenue sans interruption par la nuit, n’en met aucune à la végétation du seigle, & dans ce court espace de temps, il parcourt tous les degrés par où il doit passer ; mais s’il survient à cette époque des pluies froides, des vents froids, la récolte est presque nulle, ou bien on récolte de l’herbe à la place du grain. Revenons aux semailles de France.
Les semailles précoces sont toujours les meilleures, chacune suivant son climat, parce que plus une plante reste en terre, plus elle talle & mieux son grain est nourri. Si on en veut la preuve, il faut jeter les yeux sur ces plantes venues spontanément dans nos champs. Comme ce blé a suivi l’ordre de la nature, les tiges en sont toujours belles & bien fournies. On dira que la plante est isolée, qu’elle n’est point affamée par les plantes voisines, ainsi qu’elle doit prospérer, cela est vrai ; mais il faut observer en même temps qu’elle est supposée végéter dans un sol bon, mais sans culture ; ainsi le défaut de celle-ci équivaut tout au moins à l’avantage de la position de l’autre. Or, il en résulte que la touffe est bien nourrie, parce que la germination du grain & la végétation n’ont pas contrarié les loix de la nature. En considérant, comme une simple généralité, cette assertion sur les grains abandonnés à eux-mêmes, il me paroît qu’il sera facile au lecteur d’en tirer de nombreuses conséquences.
Le second avantage des semailles précoces, c’est qu’il est rare que dans la saison où le froment sort de terre naturellement, les pluies soient abondantes, & on a par conséquent plus de temps pour achever tranquillement l’opération. Pour peu que les pluies deviennent fréquentes sur l’arrière-saison des semailles, on est souvent forcé de recourir aux fromens printaniers, lorsqu’on n’a pu semer des blés hivernaux, & cette ressource précieuse est interdite aux provinces les plus méridionales du royaume. La chaleur y vient trop coup sur coup ; la végétation est précipitée, & souvent à la fin de mai ou au commencement de juin, on seroit forcé de moissonner une paille maigre & fluette, & un grain peu abondant & chétif.
Les propriétaires d’une petite étendue de terrain sont en général toujours les maîtres de choisir le jour de leurs semailles. Il n’en est pas ainsi dans les grandes métairies où tout se fait à la hâte, parce qu’on ne calcule point assez sur les mauvais jours. Une économie mal entendue oblige à n’avoir que le nombre de jougs & de valets, strictement nécessaires à l’exploitation des champs ; la terre, par exemple, se trouve trop mouillée ou trop sèche ; on a attendu un temps plus opportun, la sécheresse ou les pluies continuent, le moment de semer arrive, il n’est plus possible de reculer, les bêtes sont excédées de travail, les champs mal labourés, les grains mal recouverts, enterrés dans la boue ou dans la poussière ; & l’on veut après cela avoir de