Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/131

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belles récoltes ! Pour semer de bonne heure & à temps, il faut avoir des valets & des jougs en nombre excédant le strict besoin, alors les travaux préliminaires seront faits sans hâte, sans gêne, dans le moment convenable, & si on parvient à se procurer de l’avance, (cas fort rare) pourquoi ne pas donner de nouveaux labours, ou des labours surnuméraires aux champs qui en auront le plus de besoin ? la récolte dédommagera amplement de ce travail.

Si j’écrivais, non pour une province, mais uniquement pour un canton, je dirois : semez par exemple, en septembre, en octobre, &c. ; mais lorsqu’il s’agit de l’étendue de tout un royaume, indiquer une époque fixe, outre celle désignée par la nature & dont il a été question, c’est induire en erreur les propriétaires. Le moment tient au climat, je le répète, & la germination spontanée des fromens le démontre ; chacun doit étudier & lire dans ses champs pour le découvrir. Quelquefois l’excessive sécheresse de nos provinces méridionales fait exception à la règle, parce que le grain ne trouve pas dans la terre l’humidité nécessaire à sa végétation ; mais en observant plusieurs années de suite, on saura à quoi s’en tenir.

Il est plus essentiel de semer de bonne heure dans les climats méridionaux que dans les tempérés ; des bonnes récoltes (toutes circonstances égales) dépendent de la quantité de racines que les fromens poussent avant & pendant l’hiver. Comme les froids y sont passagers, courts & peu forts, les racines ne cessent pas de travailler & de s’enfoncer. Cependant la feuille de la plante n’y a pas communément cette belle verdure que l’on remarque dans les pays plus tempérés, parce que tout le travail se fait en terre, attendu qu’elle reste échauffée ; & dès que les premières chaleurs renaissent, le froment végète avec force, ne craint pas autant les sécheresses assez communes en mars, avril, &c. Dans les régions froides & montagneuses on sème de très bonne heure, afin que la plante ait une force, une consistance capable de résister aux impressions du froid. Dans les pays tempérés on peut semer plus tard que dans les deux opposés, & dans tous, l’époque des semailles est marquée par la végétation spontanée des grains tombés lors des récoltes. Il est aisé d’en sentir la raison & je l’ai déjà indiquée, parce que cette germination suit le degré qui lui convient de la chaleur de l’atmosphère, & qu’elle est suspendue lorsque la chaleur de l’atmosphère n’est pas au point convenable. Les belles expériences de M. Duhamel, rapportées au mot Amandier, Tom. I. pag. 458, ne laissent rien à désirer à ce sujet, & de la végétation de la vigne il est facile d’en faire l’application à celle du froment.

Je ne puis me refuser au plaisir de rapporter le texte du Théâtre d’Agriculture, d’Olivier de Serres, sans contredit un des meilleurs ouvrages que nous ayons en ce genre. « Si au gouvernement de la messagerie, y a du hazard (comme aucune chose de ce monde n’en est exempte) c’est en ce point des semences ; car, quelque peine qu’on aye prinse durant toute l’année à accouster & à préparer la terre en