Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouces ; c’est donc un grain à peu près, sur un peu moins de deux pouces quarrés.

Actuellement arrachons de terre, dans le mois de mars ou d’avril, une plante de froment semée avant l’hiver, & semée clair, & nous verrons que le diamètre de ses racines chevelues sera au moins de trois à quatre & à six pouces. Ainsi, dans supposition de chaque grain espacé de cinq pouces, il est clair que les racines doivent se confondre, s’entremêler, s’affamer les unes & les autres, d’où il résulte nécessairement la foiblesse de la tige, (la plante ne sauroit taller) la maigreur de l’épi, &c. &c. Que sera-ce donc si, suivant l’usage presque général, on sème un quintal de froment poids de marc, sur une étendue de 400 toises quarrées, ainsi qu’on le pratique presque par-tout ? alors chaque pouce quarré contiendroit une plante & plus.

En semant 40 livres de froment par 400 toises quarrées, la perte de moitié & même de deux tiers des semences, par une cause ou par une autre, ne préjudicie point à la récolte, puisque sur l’étendue d’un pied quarré, s’il reste seulement trois, quatre ou cinq plantes au plus, leurs racines s’étendront à l’aise, seront bien nourries, la plante tallera, produira plusieurs tiges dont les épis seront longs, bien quarrés, & les grains gros & chargés d’embonpoint. Il me paroît que ces raisonnemens vont jusqu’à la démonstration. L’adage général dit qu’on doit semer épais dans la crainte des avaries ; &, à mon tour, j’établis celui-ci, que plus l’on sème clair & plus l’on récolte. Mais j’exige que l’on ne jette en terre que de bonnes semences, sans grains retraits ou détériorés par les insectes, enfin recouverts à propos lors des semailles.

§. III. De la manière de recouvrir le Grain.

Les semailles faites avant l’hiver demandent à être plus recouvertes que celles des blés printaniers ; les premières plus couvertes encore dans nos climats méridionaux que dans les tempérés & dans ceux du nord du royaume. L’intensité & la durée de la chaleur de l’automne, sa continuation à l’entrée de l’hiver, & le peu de froid, ordinairement de cette saison, rendent cette précaution indispensable aux yeux du bon cultivateur. Je le répète, & je ne généralise point ; elle tient à l’intensité habituelle de chaleur du climat. Par exemple, en Provence & dans le bas-Languedoc, le comtat d’Avignon, le bas-Dauphiné, &c. le terme moyen de la chaleur de l’été est en général de 15 degrés, comme, le terme moyen de celle de Paris est de 18, de Lyon, de vingt-deux, &c. &c. du thermomètre de Réaumur. La chaleur de la masse de la terre, à un ou deux pieds de superficie, suit à peu près cette progression, sur-tout si la sécheresse s’est soutenue. Le degré de chaleur de ces provinces méridionales est, pendant le mois d’octobre & dans les premiers jours de novembre, de quinze, douze, dix & huit degrés, le plus communément au plus bas. (Il ne s’agit pas ici d’exceptions accidentelles) Or, avec cette somme de chaleur de l’atmosphère & celle du sol, il est clair que le grain de froment aura la force de percer