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trop d’inclinaison. Le grand point est que l’eau s’écoule lentement, qu’elle ne soit pas plus stagnante dans une place que dans une autre. On parviendra à ce but si désiré en multipliant le nombre de sangsues, & plus le sol est incliné, & plus elles doivent être nombreuses attendu qu’il ne reste pas une trop grande superficie de terrain sans écoulement, & que le courant des eaux est toujours en raison du plus ou du moins de la superficie ou de son inclinaison.

J’ai vu des cultivateurs ouvrir une sangsue générale ou maîtresse sangsue, comme ils l’appellent, tout à travers de la longueur du champ, & y faire aboutir toutes les petites sangsues latérales. C’est vouloir de gaieté de cœur établir un torrent au milieu de sa possession. De toutes les manières de saigner les terres, c’est la plus mauvaise. Multipliez les maîtresses sangsues, & multipliez encore plus les latérales.

Toutes les fois qu’il y aura eu une pluie battante ou long-temps continuée, le propriétaire doit envoyer son maître valet, & encore mieux aller lui-même examiner si les saignées ne sont point engorgées, s’il ne s’est point formé de crevasses, & aussitôt faire remédier aux désordres, & sous ses yeux. Si lorsqu’on a fini de donner la première, la seconde façon à un champ, on avoit la sage précaution d’ouvrir des saignées, on conserveroit son terrain, sur-tout dans les provinces méridionales, où les pluies viennent toujours par orage, par averse, où, quand elles commencent sur l’arrière-saison, elles sont toujours de longue durée.

Pour tracer & ouvrir ces sangsues d’une manière convenable, on se sert d’une charrue armée d’une oreille de chaque côté, afin que la terre soit également renversée de part & d’autre, & l’on repasse deux fois dans le même sillon, si on veut lui donner plus de profondeur. Dans l’un & dans l’autre cas, je conseille de placer derrière la charrue un homme avec une pelle, qui égalisera le sol, fortifiera les endroits foibles, & établira plus facilement qu’avec la charrue, un bon niveau de pente.

On objectera que ces saignées multipliées occasionneront la perte de beaucoup de grains ; cela est vrai ; mais le problème se réduit à ceci : Vaut-il mieux, chaque année, perdre un peu de grains, ou successivement toute la terre de son champ ; &, chaque année en particulier, voir entraîner par les eaux la terre végétale ou humus soluble dans l’eau, si difficile à se procurer & qui est la base fondamentale de la végétation ? (Voyez le dernier chapitre du mot Culture) Je laisse au lecteur à donner actuellement la solution du problème.

Section II.

Du sarclage des Blés.

Dans les différentes méthodes de préparer la terre pour semer les blés, imaginées par M. Tull, corrigées, augmentées par plusieurs auteurs, & rapportées au mot Culture, on a vu qu’ils regardoient le sarclage des blés comme indispensable. Les uns, d’après l’opinion de quelques auteurs anciens, ont pensé devoir semer par sillons espacés les uns des autres, afin de pouvoir labourer entre deux, &