Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’en avoir faute par après) le moyen de ce faire avec utilité, est qu’estant ce bled-là coupé & lié, dès aussitôt dix ou douze gerbes toutes vertes seront entassées l’une sur l’autre, & pour ainsi demeurer tout le jour, & icelui passé, seront escartées & mises debout en éparpillant les espis afin de leur faire recevoir les rosées de la nuit. Le matin revenu, deront réamoncelées comme devant, de peur que le soleil ne les pénétre ; & ainsi continuera-t-on deux ou trois jours de suite, au bout desquels par l’humeur ainsi enserrée, les gerbes s’échaufferont, & cela les fera meurir, pourveu qu’on les expose au soleil pour les y faire sécher en perfection. »

Section II.

De la manière de former les Gerbiers.

Il y a deux sortes de gerbiers, ceux que l’on forme sur le champ même, & les gerbiers à demeure jusqu’au temps du battage.

§. I. Des Gerbiers momentanés.

Lorsque le blé est coupé & réuni en gerbes, on les laisse sur le champ plus ou moins long-temps, afin que la chaleur du jour dissipe l’humidité de l’épi. Cette humidité superflue devient dangereuse, soit que l’on ferme & amoncelle les gerbes dans la grange, ou qu’on les monte en gerbier ; elle fait alors fermenter le grain, elle l’échauffe ; souvent il germe ou moisit si elle est trop abondante.

S’il ne pleut pas, si le temps n’a pas été trop humide, enfin, si toutes les circonstances sont favorables, les gerbes peuvent rester étendues sur le sol du jour au lendemain, & ensuite rassemblées en petits gerbiers, ainsi que l’a dit plus haut Olivier de Serre. L’on peut encore, si l’on veut, les transporter dès le lendemain du champ sur l’aire, & les monter en grands gerbiers. L’opération du transport doit commencer dès la pointe du jour, & finir à neuf ou dix heures, sur-tout lorsque la proximité du champ la facilitera. Si au contraire le temps est humide, pluvieux le jour de la moisson, il vaut mieux laisser les gerbes étendues sur le champ, les retourner soir & matin, encore mieux les dresser, afin que le courant d’air qui les environnera, accélère l’évaporation de l’humidité, & les sèche plus vite.

Si l’éloignement de l’aire ou de la grange ne permet pas un prompt transport, si l’on craint de nouvelles pluies, il faut prendre son parti, & monter de petits gerbiers sur le champ même. On choisit pour leur emplacement, de distance en distance, la portion de terrain qui forme un petit monticule, s’il s’en rencontre ; là on met une gerbe droite, les épis en haut, & elle devient le point central ; on range circulairement, & tout autour d’elle de nouvelles gerbes, (les épis en haut) mais inclinées contre le centre, ce qui forme un cône tronqué, & assez large par le haut. Sur cette portion de cône on étend à plat de nouvelles gerbes, les épis au centre, & on les recouvre avec trois ou quatre nouvelles gerbes, & une ou deux gerbes déliées, de manière que le cône devient presque parfait, & les pailles se trouvent en recouvrement les unes sur les autres ;