Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/183

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ture abondante dans le second, & souvent il ne lui reste, comme au premier, que l’écorce.

Ces insectes, dans leur état de chenilles, sont très-délicats, & heureusement il en meurt beaucoup, & plus heureusement encore elles s’entretuent lorsque deux ou plusieurs se disputent la possession d’un grain. Celle qui s’en est emparée ne permet plus aux autres de partager ses provisions ; de sorte qu’on ne trouve jamais qu’une seule chenille dans un grain ; il n’en est pas ainsi des charançons.

Telles sont les observations faites par les deux académiciens en 1760. Ils retournèrent dans l’Angoumois en mai 1761, & à cette époque ils commencèrent à voir des papillons dans les espèces de cabinets ou de ménageries qu’ils avoient fait construire dans l’année précédente. Ces premiers papillons éclos cherchoient a sortir par les fenêtres, & il n’en est pas ainsi de ceux qui naissent en automne ; ils restent sur le monceau de blé, & ne s’en écartent qu’autant qu’on les remue.[1]

Nous cherchâmes en vain ces insectes pendant le jour sur les champs semés en blé ; ils se tiennent cachés pendant le jour, sortent à la tombée de la nuit, & voltigent çà & là en se cherchant mutuellement pour s’accoupler sur les épis, quoique les grains soient encore maigres, dépourvus de substance farineuse, & peu propres dans ce moment à fournir une nourriture aux chenilles qui doivent éclore ; mais de ce moment à celui où l’insecte sort de l’œuf, le grain prend de la consistance.

Les œufs nouvellement déposés sur ces épis, sont blancs, & deviennent rougeâtres lorsque la chenille est prête à en sortir ; elle s’insinue ensuite dans le grain de blé, d’orge, &c. ainsi qu’il a été dit, & comme on le voit par le secours de la gravure.

Afin de pousser jusqu’au bout les connoissances sur la manière d’exister de ces insectes, nos académiciens voulurent se convaincre par l’expérience, si les chrysalides subsisteroient dans la terre pendant l’hiver, & en soutiendroient les rigueurs, étant exposés à toutes les intempéries de l’air ; ils vérifièrent les expériences que madame de Chasseneuil avoit déjà faites, & par lesquelles elle avoit appris que les chenilles y étoient vivantes, & aussi vigoureuses que la circonstance le permettoit.

Nos académiciens firent construire plusieurs boîtes, partagées suivant leur longueur, en trois parties égales, entièrement séparées l’une de l’autre, afin que les papillons de l’une ne pussent pas communiquer avec ceux de l’autre ; le tout étoit recouvert

  1. Note du Rédacteur. Je les ai vu à cette époque dans le Bas-Languedoc s’attacher contre les vitres, les toiles qui ferment les fenêtres, s’envoler lorsqu’ils ne trouvoient point d’obstacle. Cette différence vient sans doute du moins d’engourdissement de l’insecte, à cause de la chaleur plus forte qu’on éprouve dans cette saison en Languedoc. Je conviens cependant que ces papillons ne cherchoient pas à sortir avant neuf à dix heures du matin, & que, dans les journées de douze degrés de chaleur, ils ne quittoient pas le tas de blé. Plus le pays est chaud, & plus leur multiplication est prodigieuse : ils ont dans la récolte de 1783, causé un déchet de plus de 6 pour 100 dans le grenier.