Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/200

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voir le réchaud placé au centre. Le grain répandu sur des tablettes ou dans les tuyaux, n’éprouve pas partout une chaleur égale, & l’humidité du froment ne trouvant pas d’issue pour s’échapper, rougit le grain… Dans l’étuve, le froment augmente d’abord de volume ; l’humidité séveuse & constituante est forcée de quitter son agrégation par un degré de chaleur qui n’existe dans aucun climat, & cette chaleur apporte dans le grain un dérangement réel, dérangement dont le germe destiné à reproduire la plante, se ressent le premier… Comme les corps repompent l’eau à proportion de leur sécheresse & de l’humidité de l’atmosphère, le froment étuvé n’est pas exempt de cette loi commune. Il reprend donc, au sortir de l’étuve, une certaine portion d’humidité. C’est pourquoi il faut le remuer & le laisser refroidir parfaitement avant de le serrer ; car quelques secs que l’on suppose les greniers de conservation, ils permettent toujours l’accès de l’air, qui pénètre ensuite dans le grain. »

» Sans doute on pourroit rendre l’opération de l’étuve moins dispendieuse, plus commode & d’une plus grande efficacité, en construisant la charpente en bois & les tablettes en fer poli, parce qu’on a éprouvé que la chaleur déjette le bois & donne lieu à des réparations continuelles : en outre, si le fourneau étoit placé au centre, avec des tuyaux distribués dans les parties latérales & inférieures autour de l’étuve ; que les tablettes fussent percées au lieu d’être en treillis de fer, les grains alors ne s’arrêteroient pas dans les mailles, & la chaleur, qui tend toujours à s’élever, se répandant du centre aux extrémités, elle agiroit en tout sens, & dessécheroit le froment d’une manière plus égale & plus uniforme. »

» Encore une fois, quoique le succès de l’étuve connue dépende de beaucoup de circonstances difficiles à saisir & à concilier, ayons-y toujours recours, continue M. Parmentier, lors que nous aurons de grandes provisions à garder, ou que l’on destinera les grains & leur farine à passer les mers, ou bien lorsqu’ils auront été noyés d’eau sur pied, récoltés dans un temps pluvieux, ou qu’ils seront disposés à passer à la germination. Aussi ne saurions-nous trop inviter les citoyens qui se sont déjà occupés de l’étuve, de chercher à lui donner le degré de perfection dont elle est susceptible. »

» On a cru que l’étuve mettant le grain dans l’état sec & dur, & l’écorce étant devenue coriace, il n’étoit pas possible à l’insecte de l’entamer : il est bien certain que du froment qui a acquis de la sécheresse & de la dureté en vieillissant ou par le moyen de l’étuve, est beaucoup moins susceptible d’être attaqué par le charançon ; mais, soit que l’humidité qui transpire de ce scarabée ramollisse le grain, ou que, pressé par la faim, il redouble d’efforts, il est constant qu’il vient à bout de percer la pointe du blé pour en tirer sa nourriture, & l’expérience a démontré que du blé parfaitement étuvé & porté ensuite dans un grenier où il y avoit des charançons, n’en a pas moins été endommagé par la suite & a fini par en devenir la proie. »

» La chaleur qui règne dans l’étuve n’a pas non-plus le pouvoir de faire périr tous les charançons qui se trouvent dans le froment ;