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la haie. On laboure ensuite avant l’hiver, si on veut semer après cette saison ; ou en été, si on doit semer en octobre, ce qui dépend du climat. On répète un second labour avant de semer, & on herse après avoir semé. Si le pays est peuplé de troupeaux, il est d’une nécessité indispensable de placer une haie morte faite avec des ronces ou telles autres broussailles, des deux côtés du sol labouré, de manière que le troupeau ne puisse pas brouter l’ajonc ; car s’il est brouté il tallera & ne s’élèvera pas. À la seconde année toute espèce de soins est inutile ; ses épines roides & multipliées suffisent pour défendre la haie contre la dent de toute espèce d’animal, & on est dès-lors tranquille sur les productions du champ. Ces haies sont fort communes en Angleterre, & M. Dupuis d’Emporte, traducteur du Gentilhomme cultivateur, publié en anglois par M. Hall, dit qu’on voit dans ce royaume des endroits où les haies de genêt épineux ont 30 à 40 pieds d’épaisseur, & de 16 à 20 pieds de hauteur. Je ne conçois guère la nécessité de cette épaisseur démesurée qui fait perdre beaucoup de terrain ; passe encore si cet ajonc fournissoit du fourrage ; mais dans cet état de haie, il est trop dur, trop coriace, trop piquant. Quant à la hauteur, elle est utile contre les coups de vent. Je ne connois point ces haies d’Angleterre : leur hauteur dépend-elle de l’atmosphère presque toujours humide & vaporeuse de cette île, ou de la qualité du sol ? Je n’ai jamais vu dans nos provinces des ajoncs plus élevés que cinq à six pieds.

« L’auteur anglois dit qu’on doit rarement élaguer une haie de genêt. Si on veut resserrer la haie, on ne doit pas couper les bourgeons trop près de l’ancien bois, car ils ne repousseroient pas ; de sorte qu’il faut, quand cette opération est nécessaire, se contenter de les étêter. Il est encore nécessaire de choisir la saison : le genêt est tendre & périt facilement, si l’on coupe ses branches dans un temps froid ; (ce qui s’accorde peu avec la pratique de Bretagne, du Poitou, &c.) C’est pourquoi tout bon cultivateur prend garde d’élaguer ces sortes de haies trop tard en automne, ou trop tôt au printemps, de peur des gelées fréquentes à l’ouverture de ces deux saisons ».

« Si, de même, on élague le genêt dans un temps de sécheresse, il en résulte les mêmes inconvéniens. Le vent sec perce & pénètre dans la partie coupée, la dessèche, arrête la sève, & par conséquent suspend l’accroissement du bourgeon. On doit choisir de préférence pour l’élagage le milieu d’avril, parce que la saison est alors décidée. »

Ce qu’il y a de certain, c’est que le genêt épineux, de quelque manière qu’il soit employé sur les mauvaises terres, parvient à la longue à les fertiliser, ou du moins à les rendre utiles. J’en ai la preuve dans la relation du célèbre & infortuné capitaine Cook, en parlant de Sainte-Hélène. « On nous a dit que dans cette île on peut nourrir 3000 têtes de bétail, quoique l’herbe n’y revienne pas pendant l’hiver, & qu’il faut réserver certains cantons pendant cette saison de l’année. On a planté ici le genêt épineux ordinaire que les fermiers d’Angleterre ont si grand soin d’arracher, & à présent