Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/317

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blème dont je ne trouve pas la solution. Pourquoi sur vingt graines, par exemple, renfermées dans une silique de giroflée simple ? lorsqu’on les sèmera, les unes produiront-elles des pieds à fleurs doubles, les autres à fleurs simples ?

Je vais hasarder une opinion que je présente simplement comme telle & rien de plus. On voit, en examinant une giroflée simple, que les premières fleurs du bas de l’épi sont toujours plus larges & mieux nourries que celles du haut de l’épi qui y naissent successivement. On voit également que les siliques des premières sont plus fortes, plus larges, plus longues, &c. Ces fleurs, ces siliques ont donc plus d’embonpoint que les suivantes, elles ont absorbe plus de sève, ou bien la plante est plus épuisée lorsque les dernières fleurissent & germent ; le fait est certain. Il en est ainsi des premiers rameaux, toujours plus forts & à plus belles & plus larges fleurs que les rameaux secondaires, ou du sommet de la tige. D’après cela, seroit-ce s’écarter des loix de la nature, si, après la fleuraison, on retranchoit les trois quarts de la longueur de l’épi, afin de ne lui laisser que quatre à six siliques à nourrir ? Ne pourroit-on pas encore supprimer tous les rameaux supérieurs & ne conserver que ceux du bas, afin de forcer la sève à se porter en plus grande abondance vers les siliques restantes ? Ne seroit-ce pas imiter l’amateur des fruits, qui en supprime un grand nombre dans la vue d’augmenter la grosseur de ceux qu’il laisse ? La comparaison me paroît exacte. Il faut de l’embonpoint, je crois que c’est-là tout le mystère, & je pense en avoir la preuve sous les yeux dans un abricotier planté dans une exposition très-méridionale & qui n’a pas la facilité d’étendre ses branches autant qu’il conviendroit. La plate-bande qui règne le long de cet arbre est destinée au semis des fleurs de parterre & par conséquent bien fumée, bien travaillée, sarclée & arrosée avec soin. Il résulte de toutes ces circonstances, que j’ai sur le même arbre des fleurs simples, des fleurs semi-doubles, des fleurs doubles & des abricots du plus gros volume. Reprenons la suite de l’opération dont la comparaison de l’abricotier nous a écarté.

Si les fleurs & les siliques des rameaux & de la partie inférieure de l’épi sont plus nourries, ne doit-il pas en être ainsi dans l’ordre des graines renfermées dans la silique, au moins quant à leur tendance à produire des fleurs doubles ? Les graines de la base de la silique sont moins larges, moins renflées que les secondes, les troisièmes &c. ; malgré cela sont-elles moins bien & moins richement nourries, quoique la forme de la silique se soit opposée à leur extension & à leur dilatation ? Comme ces graines sont les premières mûres, puisque la silique, par son dessèchement, s’ouvre par en bas ; ne peut-on pas conclure que ce sont les graines les plus parfaites ?

Il faut bien qu’il y ait un motif déterminant quelconque, puisque des graines cueillies sur le même pied donnent des fleurs doubles & des fleurs simples, & que les espèces jardinières (voyez ce mot) dégénèrent & redeviennent simples & semblables à celles des champs,