Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/347

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chère, un air épais, humide & marécageux, peuvent aussi lui donner naissance.

Les symptômes avant-coureurs sont des fréquentes indigestions, l’assoupissement, des maux de cœur, des défaillances, des lassitudes, des éblouissemens. On ne doit pas oublier les douleurs qui se font sentir dans certaines parties du corps, & sur-tout aux lombes ; le défaut d’appétit, le dégoût, la pesanteur de tout le corps, des ardeurs d’urine. Bientôt après le malade est saisi d’une forte douleur au talon, ou au gros orteil, ou aux mains ; les frissons se font sentir ; la fièvre se mêle de la partie ; alors la douleur & la fluxion augmentent ; la partie goutteuse se tuméfie, & ne permet plus à celui qui en est attaqué d’exécuter le moindre mouvement : la sensibilité est quelquefois portée à un si haut degré, que le malade ne peut supporter l’application du linge le plus fin. C’est alors qu’il pousse les hauts cris ; & cet état si cruel & si douloureux dure souvent plusieurs jours.

Si la transpiration insensible se rétablit, les douleurs diminuent & deviennent plus supportables. Le malade se trouve soulagé ; c’est alors qu’il commence à goûter le repos, à jouir du sommeil, à remuer ses bras ou ses pieds malades ; l’appétit revient, & l’ordre naturel des fonctions se rétablit peu à peu.

Les attaques de goutte, pour l’ordinaire, sont de quatorze jours, lorsque le malade est jeune & d’une bonne constitution ; mais chez les personnes foibles & âgées, elles portent à un terme plus long : leur durée néanmoins est assez constante dans certains sujets.

La goutte est comme l’asthme ; elle porte avec elle un vrai caractère d’intermittence ; elle revient presque tous les ans, & souvent plusieurs fois dans la même année. On observe ses retours en tout temps, & sur-tout au printemps & en automne. Elle se manifeste à tout âge & sur les deux sexes : les jeunes gens n’y sont pas aussi exposés que les vieillards ; ils n’en sont point pour cela exempts : les femmes y sont moins sujettes que les hommes ; rarement en sont-elles attaquées avant l’âge de puberté. Ce n’est qu’à 40 à 45 ans, époque où elles cessent d’être réglées, qu’elles en sont atteintes. Les hommes n’en sont point à l’abri jusqu’à cet âge ; on l’observe chez eux depuis vingt jusqu’à soixante & quatre-vingts ans, qui est l’âge qu’on peut regarder comme l’époque la plus générale de leur destruction.

La goutte héréditaire est incurable ; l’accidentelle est difficile à guérir. On n’a pas encore trouvé de spécifique contre cette cruelle maladie : elle est souvent nécessaire à certains sujets ; elle est même pour eux un préservatif de maladies plus dangereuses, & un moyen salutaire que la nature emploie pour hâter la coction des humeurs, & débarrasser certains viscères des sucs viciés qui les embourbent. En général, la goutte est peu dangereuse, lorsqu’elle attaque les extrémités ; mais il y a beaucoup à craindre, lorsqu’elle se porte au tronc, à la tête, ou lorsqu’elle se jette sur quelque viscère essentiel à la vie.

Les indications à remplir dans le traitement de la goutte, doivent se rapporter, 1°. à la force & à la