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corps de l’animal, & déposée dans les cellules, dans les extrémités des artères, & repompée par les veines : elle fond aisément à un feu modéré. Sous le nom générique de graisse, est compris le lard, l’axonge ou sain-doux, le suif, &c.

La qualité de la graisse varie, suivant l’âge de l’animal, son état de santé ou de maladie, son espèce de nourriture ; enfin, suivant les différentes places qu’elle occupe sur le corps.

La graisse des jeunes animaux n’a point de consistance ; celle des adultes est ferme ; & molle dans les vieux. Lorsque l’animal souffre, qu’il est malade, elle se ramollit : elle a peu de consistance dans l’animal foible, & elle est ferme dans l’animal vigoureux.

Les cochons, uniquement nourris de glands, ont un lard sec : si on les nourrit avec du grain, sa consistance est très-bonne ; les marcs d’huile quelconque rendent leur lard mou & comme huileux.

Les bœufs, les moutons, toujours nourris au vert, & sur-tout dans des pâturages marécageux, ont une mauvaise graisse : elle est ferme, s’ils ont été nourris en grande partie avec de l’herbe sèche, du grain & de la paille. Il en est ainsi du cheval : l’orge ou tel autre grain qui a servi à faire la bière, rend l’animal bouffi, mais sa graisse est molle.

En général, la graisse la plus solide est celle qui environne les reins ; elle est aussi la plus indigeste, ainsi que celle de la queue. La graisse des intestins a une consistance différente de celle qui est attachée aux muscles ; mais, en total, toute espèce de graisse est très-indigeste, & l’on pourroit ajouter, mal-saine. Cependant la sensualité & les besoins rendent son usage familier & indispensable.

La graisse, en général, est vendue sous le nom de suif, si elle est ferme & grenelée, & de petit suif, si elle est molle : mais lorsqu’on veut la conserver pour les usages domestiques, on la coupe par petits morceaux, qu’on sépare avec le plus grand soin des portions nombreuses & vasculeuses qui la contiennent. Cette graisse est ensuite jetée dans l’eau, & fortement pétrie avec les mains, afin que l’eau en détache le sang, la matière gélatineuse & les autres impuretés. On doit renouveler l’eau, & pétrir de nouveau, jusqu’à ce que l’eau en sorte aussi claire qu’elle y a été mise. La graisse bien lavée est jetée dans un vaisseau de terre, vernissé & bien propre, dans lequel il faut ajouter un peu d’eau : alors on le porte sur un feu doux ; la graisse fond doucement, & on la tient dans cet état de fusion jusqu’à ce que l’eau soit entièrement évaporée : tant qu’elle ne l’est pas, il se fait un bouillonnement qui cesse lorsqu’il n’y en a plus. Ce signe caractéristique indique le moment de la tirer, de dessus le feu. La coutume générale est de la vider dans des vases de terre ou de faïence, de l’y laisser figer, & de les couvrir ensuite avec leur couvercle ou avec du papier. Cette méthode est abusive ; l’action de l’air permet à l’acide de la graisse de réagir sur sa portion huileuse ; ce qui contribue à sa rancidité. Il vaut beaucoup mieux avoir des vessies bien lavées, bien propres, y couler la graisse quand elle est fluide, la laisser s’y figer, & ensuite faire une