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ne reste aucun obstacle à l’introduction de la greffe.

De la manière de la placer, dépend sa réussite : il faut que son écorce corresponde directement avec celle du tronc ; mais comme celle-ci est nécessairement plus épaisse que l’autre, il vaut mieux qu’elle la dépasse un peu dans sa partie extérieure. Si, au contraire, l’écorce de la greffe étoit plus épaisse que celle du tronc ; ce qui est fort rare, celle de la greffe doit un peu déborder celle du sujet. La soudure, l’identification s’exécutent par l’écorce seulement, & non par la partie ligneuse. La preuve en est que, cinq ou six ans après avoir greffé un arbre, si on le brise dans le lieu de l’insertion, on verra que le bois ou coin de la greffe sera fortement serré, & qu’il n’aura acquis ni grosseur ni longueur.

Lorsqu’on veut opérer sur tronc de trois à quatre pouces de diamètre, on doit alors placer au moins deux greffes opposées l’une à l’autre. (Fig. 10).

Plusieurs auteurs recommandent fort sérieusement de ne point fendre ce tronc jusqu’à la moelle : cependant j’ai greffé ces pommiers & des poiriers de ce diamètre, en me servant d’une petite hache pour faire l’incision transversale, & mes greffes ont parfaitement réussi. Le succès du premier genre en fente devoit justifier le second. Je sais aussi que, pour ce premier genre, plusieurs personnes se contentent de faire l’incision d’un seul côté du sujet, & de ne pas couper transversalement, ainsi que je le propose. Il me paroît cependant que la coupe transversale réunit plus avantages dans le premier cas, en ce que l’écorce de la greffe se trouve réunie des deux côtés à celle de l’arbre. Le seul inconvénient est la difficulté de trouver une branche qui soit d’une grosseur bien égale au tronc. Ceux qui greffent en sifflet comme on le dira bientôt, sont dans le même cas, & ne trouvent pas que l’obstacle soit difficile à surmonter. Le second avantage que j’y vois, est l’assujettissement bien plus grand de la greffe, puisque les deux parties du bois pressent contr’elle, & on est le maître d’augmenter ou de diminuer la pression, si le besoin le requiert. Dans le premier cas, on serre plus fortement avec la ligature générale, & dans le second, on laisse un petit coin de bois qui modère la pression au point qu’on le désire. Enfin, son écorce & son bois touchent, par un bien plus grand nombre de points de contact, l’écorce & le bois du tronc : la reprise de la greffe est donc plus facile qu’en insérant la greffe sur un seul côté. On objectera sans doute que, par la méthode ordinaire, & dont on va parler, on ne fait pas à l’arbre une aussi grande plaie. J’en conviens : mais, comme le remède est, pour ainsi dire, aussitôt appliqué que le mal est fait, il n’en résulte aucun inconvénient. C’est ce que l’expérience démontre mieux que tous les raisonnemens.

Si on trouve déraisonnable ou inutile de fendre le sujet, voici une autre manière de procéder : ayez un ciseau & un petit maillet de bois, ou un marteau. Le ciseau aiguisé des deux côtés, & par conséquent terminé en coin, n’est pas aussi commode que celui dont la pointe est en biseau d’un côté. Cette espèce de coudure facilite la sortie du ciseau, & l’ouverture est plus décidée. Plantez